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Véronique Bouchard,
fermière pour la santé
des familles

Véronique Bouchard est titulaire d’une maîtrise en agronomie et copropriétaire de la ferme biologique Aux petits oignons en parts égales avec son conjoint. Ensemble, le couple a démarré cette entreprise maraîchère sur petites surfaces située à Mont-Tremblant, dans la région des Laurentides, il y a plus de dix ans.

L’histoire de la ferme Aux petits oignons a été tissée au fil des jours, sans planification à long terme, raconte Véronique Bouchard, en même temps que la fin de ses études de maîtrise et la naissance de ses deux enfants, maintenant âgés de 8 et de 10 ans. Les racines de cette entreprise puisent dans le terreau de la conscience éthique de Véronique, façonnée, entre autres, par son passé de militante politique et le discours féministe de sa mère.

De l’argent pour s’établir

L’établissement de Véronique et de son conjoint en production maraîchère se déroule sur une parcelle de terre en location auprès d’un agriculteur. Les revenus provenant de la ferme sont alors quasi inexistants : « La première année, on avait calculé notre salaire, puis il était de 2 $ l’heure. » Les investissements liés au développement de l’entreprise agricole proviennent de leurs économies et de l’argent prêté par des proches de Véronique et de son conjoint, remboursable selon les modalités de contrats signés avec chaque prêteur ou prêteuse. Le couple amasse ainsi près de 70 000 $.

L’achat d’une parcelle de terre

Au moment d’acheter la terre louée, soit l’équivalent de 5 hectares d’une terre de plus grande superficie, Véronique et son conjoint affrontent un obstacle de taille : l’interdiction énoncée par l’article 28 de la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles (LPTAA) de morceler un territoire agricole sans l’autorisation de la Commission de protection du territoire agricole du Québec (CPTAQ), organisme chargé de l’application de cette loi. Il faudra au couple plus d’une année de représentations et de démêlés juridiques, tout en essuyant un premier refus, pour parvenir à convaincre la CPTAQ d’autoriser le lotissement convoité.

Aujourd’hui, la réputation de la ferme Aux petits oignons outrepasse les frontières du pays. En août 2017, 26 agriculteurs et agricultrices biologiques de France visitaient la ferme pour découvrir certains des secrets de cette exploitation agricole rentable, efficace et lauréate de plusieurs prix et distinctions.

Les revenus de la ferme Aux petits oignons permettent depuis quelques années déjà de faire vivre la petite famille, et d’en nourrir près de 500 autres. Véronique est responsable des ressources humaines et de la communication, des finances et de la comptabilité, ainsi que de la production en serre non mécanisée, alors que son mari voit aux outils et aux travaux mécanisés, sans oublier les pratiques agronomiques.

Soucieux d’établir des conditions de travail équitables, le jeune couple entrepreneur a notamment élaboré une politique familiale afin de favoriser la conciliation travail-famille du personnel. Une échelle salariale a également été établie en vue d’assurer un maximum d’équité entre les membres du personnel en fonction du sexe, du niveau de scolarité et de l’expérience. Les formations d’appoint sont aussi proposées sans a priori sexiste et plutôt en fonction des tâches effectuées et des postes occupés.

Au sein de la ferme Aux petits oignons, les décisions liées à la gestion de l’entreprise sont souvent prises individuellement selon le champ de compétence des copropriétaires. Tous deux sont sollicités fréquemment pour participer à diverses instances. Véronique occupe un poste d’administratrice au conseil d’administration du réseau Agriconseil pour la région des Laurentides. Elle est également engagée dans le Réseau des fermiers de famille d’Équiterre, au sein de la Coopérative pour l’agriculture de proximité écologique (CAPÉ), et elle a déjà siégé au comité consultatif agricole de la MRC des Laurentides. Véronique estime avoir de la crédibilité auprès des membres et des organisations de sa communauté et être reconnue comme productrice maraîchère sans difficulté.

« Soucieux d’établir des conditions de travail équitables, le jeune couple entrepreneur a notamment élaboré une politique familiale afin de favoriser la conciliation travail-famille du personnel. »

Véronique estime que les tâches domestiques et familiales sont réparties également entre elle et son conjoint. La jeune entrepreneure emploie cependant une aide-ménagère, rémunérée par les deux membres du couple, car elle considère que ses exigences en la matière sont plus élevées que celles de son conjoint. Le fait de déléguer des tâches domestiques à une employée leur apparaît comme un moyen de rétablir l’équité dans le couple à cet égard.

Véronique connaît ses clients ses clientes par leur nom grâce à la vente directe. Et c’est en partie pour cette raison qu’elle se définit spontanément comme une fermière de famille, en concevant son rôle proche de celui de médecin de famille : « Ce terme-là [fermière de famille] illustre à quel point on participe à la santé de ces familles-là, puisqu’on a un lien privilégié. »

Le défi de l’agriculture de proximité

Les défis que Véronique et son conjoint doivent relever sont essentiellement liés à la conception même de l’agriculture et à la mondialisation de cette industrie. Gagner sa vie dans un secteur agricole encore marginal, mais non moins réglementé, en contexte de libre marché, est chose difficile.

Les fermes de petite taille entrent en concurrence directe avec d’autres de calibre mondial qui, elles, n’évoluent pas dans le même encadrement réglementaire, notamment à l’égard des normes environnementales et salariales : « La production, ça coûte moins cher de la faire faire dans d’autres pays où on peut exploiter de la main-d’œuvre, où on peut saccager des milieux environnementaux. »

Pour cette fermière de famille, il faut revenir à plus de cohérence, et cela passe, par exemple, par le fait de manger davantage de produits locaux. Et de prendre conscience que les légumes importés ne sont pas toujours produits dans des environnements et des conditions de travail soucieuses du bien-être des travailleuses et des travailleurs qui les cultivent.

Coup d’œil sur les fermes maraîchères sur petites surfaces

Les fermes maraîchères sur petites surfaces sont apparues au Québec il y a une vingtaine d’années dans la foulée du mouvement de l’agriculture soutenue par la communauté (ASC) implanté par l’organisme Équiterre à travers le Réseau des fermiers de famille. Aujourd’hui, l’ASC est aussi appuyée par la Coopérative pour l’agriculture de proximité écologique (CAPÉ) et son réseau de producteurs et de productrices, « Les Bio Locaux ».

Le Québec compterait aujourd’hui 150 fermes maraîchères sur petites surfaces, dont une centaine relevant du Réseau des fermiers de famille d’Équiterre. Les fermières et les fermiers de famille de ce réseau nourrissent plus de 20 000 familles annuellement, ce qui représente près de 60 000 personnes.

Fermes maraîchères sur petites surfaces

150

Familles nourries annuellement

20 000