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Soins aux personnes aînées : les femmes saluées aujourd’hui seront-elles reconnues demain?

La crise sanitaire de la COVID-19 qui sévit au Québec depuis mars 2020 soulève plusieurs enjeux en matière de soins aux personnes aînées. Elle met notamment en lumière l’inégale répartition du travail du care entre les femmes et les hommes. Perçu comme relevant de prédispositions naturelles, le travail de soins, assumé principalement par les femmes, est de ce fait dévalorisé.

Publié le 28 mai 2020

La lutte contre la COVID-19 a causé un réveil collectif mondial. Le Québec n’y échappe pas et prend conscience, lui aussi, de l’apport considérable des femmes, majoritaires en première ligne, pour combattre l’ennemi invisible.

Le care désigne un ensemble d’activités « qui consistent à apporter une réponse concrète aux besoins des autres – travail domestique, de soins, d’éducation, de soutien ou d’assistance, entre autres » (Molinier, Laugier et Paperman, 2009, cité dans Conseil du statut de la femme, 2020).

Au moment où éclatait la crise, le Conseil du statut de la femme s’apprêtait à publier son plus récent avis : Prendre soin : perspectives sur le vieillissement. Destinée à apporter un éclairage nouveau sur les décisions et les actions à mettre en œuvre, la publication analyse trois enjeux mis de l’avant par la pandémie, soit le partage plus équitable des soins destinés aux personnes aînées en perte d’autonomie, l’accessibilité des services et la pleine reconnaissance des personnes qui en prennent soin.

Femmes au front

Les femmes représentent 80 % des employé·e·s du réseau de la santé et des services sociaux et elles travaillent sans relâche pour soigner la population québécoise. On retrouve ainsi 90 % d’infirmières, 83 % d’aides-infirmières, d’aides-soignantes et de préposées aux bénéficiaires, ainsi que 66 % de pharmaciennes. Du côté des personnes proches aidantes, qui prennent soin de personnes en perte d’autonomie, les femmes s’investissent souvent de manière plus soutenue.

En soutien au personnel de la santé, celui des services de garde est également mobilisé en renfort pour veiller sur les enfants des travailleuses et des travailleurs essentiel·le·s. Là encore, les femmes sont en première ligne. Elles comptent pour 98 % des éducatrices des services de garde.

Derrière les caisses des épiceries et dans les services d’entretien et de nettoyage, elles représentent respectivement 86 % et 58 % du personnel. Véritables travailleuses de l’ombre, elles offrent sans relâche des services essentiels. Dans le milieu communautaire, qui vient souvent en soutien aux autres secteurs du care, les femmes sont également majoritaires (80 %).

Vieillissement démographique et enjeux d’égalité

En date du 12 mai 2020, deux tiers des décès causés par le coronavirus dans la province touchaient des personnes vivant dans des centres d’hébergement et de soins de longue durée (CHSLD). À la même date, 97,7 % des personnes décédées de la COVID-19 avaient plus de 60 ans. Parmi celles-ci, on compte une majorité de femmes.

C’est connu depuis longtemps, le vieillissement de la population au Québec s’accélère. Or, les femmes aînées sont non seulement surreprésentées parmi cette population, mais elles sont aussi plus vulnérables. Avec une espérance de vie plus élevée que celle des hommes, elles sont plus susceptibles d’avoir besoin de soins et de services de soutien à l’autonomie. Par ailleurs, elles sont généralement plus touchées par la pauvreté, notamment parce qu’elles ont été moins présentes sur le marché du travail. Elles sont aussi plus nombreuses à vivre seules.

Aujourd’hui, une triste réalité vient bousculer leur vie : la fragilisation du travail d’assistance personnelle. De fait, le manque criant de personnel dans les milieux de vie pour personnes aînées de même que la charge de travail élevée dans certaines ressources d’hébergement préexistaient à une crise qui est venue amplifier les difficultés.

À cela s’ajoute l’insuffisance des services publics en matière de soutien à domicile et d’hébergement pour répondre aux besoins des personnes aînées en perte d’autonomie. Et l’écart est encore plus flagrant dans certaines régions qui ne bénéficient pas des ressources suffisantes pour cette clientèle.

Travail invisible

Prendre soin d’autrui est depuis longtemps perçu comme une qualité naturelle chez les femmes. Sur le plan historique, ces soins étaient exercés gratuitement par les femmes au sein des ménages ou par les communautés religieuses. Nouvellement rémunérés, ces emplois sont d’une importance cruciale dans une société où le vieillissement de la population s’accélère. Or, ils ne sont pas toujours reconnus à leur juste valeur, autant dans la société que sur le marché du travail. C’est notamment le cas des préposées aux bénéficiaires.

Est-ce que la prise de conscience collective engendrée par la crise de la COVID-19 sera suffisante pour reconnaitre de manière pérenne le travail du care? Au-delà des mesures annoncées pendant la lutte contre la pandémie, il faut réfléchir aux stratégies à mettre en place au sortir de la crise.

On constate par le fait même que les normes sociales amènent plusieurs femmes à s’intéresser aux emplois qui demandent de prendre soin des autres. Les attentes en matière de proche aidance sont d’ailleurs plus élevées envers les femmes que les hommes.

Le prendre soin est devenu une sorte de vocation plutôt qu’un travail valorisé. Pourtant, il est essentiel au fonctionnement et à l’essor économique des sociétés.

La pleine reconnaissance du prendre soin

Est-ce que la prise de conscience collective engendrée par la crise de la COVID-19 sera suffisante pour reconnaitre de manière pérenne le travail du care? Au-delà des mesures annoncées pendant la lutte contre la pandémie, il faut réfléchir aux stratégies à mettre en place au sortir de la crise.

Afin d’assurer la reconnaissance des emplois du secteur de l’assistance personnelle et de l’apport des personnes proches aidantes, voici quelques pistes de solutions avancées par le Conseil :

  • valoriser l’implication de tous et de toutes dans les soins destinés aux personnes aînées en perte d’autonomie;
  • encourager la présence des hommes dans les emplois traditionnellement féminins;
  • favoriser une socialisation égalitaire des filles et des garçons;
  • bonifier les conditions de travail de l’ensemble des travailleuses et des travailleurs du secteur de l’assistance personnelle dans les différents milieux de travail;
  • valoriser les emplois du secteur de l’assistance personnelle, en mettant entre autres en relief l’apport des personnes issues de la diversité culturelle.

La crise, comme l’avis du Conseil, mettent en évidence le fait que le vieillissement de la population concerne à la fois l’État et l’ensemble de la société. La question se pose : comment s’assurer que nos parents, nous-mêmes et nos enfants vieillissent dans la dignité si nous ne prenons pas soin de celles et ceux qui assurent l’assistance personnelle d’autrui?

Plus que jamais, c’est ensemble qu’il faut continuer à réfléchir à la façon dont nous prenons soin des autres, incluant nos personnes aînées.

Ce contenu a été préparé par Elizabeth Perreault du Conseil du statut de la femme.

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