Avis - Retraite équitable pour les femmes

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Remerciements

Cet avis a été produit grâce à la contribution de personnes qui ont accepté de mettre à profit leur expertise et leurs connaissances au bénéfice des femmes qui toucheront un jour une retraite que nous souhaitons le plus équitable possible. Le Conseil tient donc à remercier Louise Lavoie, actuaire et économiste, et Marie-Hélène Legault, économiste, pour la réalisation de la première analyse du rapport Innover pour pérenniser le système de retraite et de l’annexe II, ainsi que Francine Lepage, économiste, pour la réalisation de l’annexe III.

Introduction

Les questions concernant la sécurité financière à la retraite et le maintien du niveau de vie des personnes aînées sont importantes pour les Québécoises. Celles-ci forment plus de la moitié (56 %) de la population âgée de 65 ans et plus et, lorsqu’elles atteignent l’âge de la retraite après un parcours ayant combiné une participation au marché du travail et l’exercice de responsabilités familiales, plusieurs ne disposent que de maigres ressources pour payer leurs dépenses courantes et assurer leur sécurité financière. Le Conseil du statut de la femme suit donc avec le plus grand intérêt les discussions touchant les moyens déployés pour aider les travailleuses et les travailleurs à maintenir leur niveau de vie après la retraite.

Le comité d’experts sur l’avenir du système de retraite québécois a déposé, en avril 2013, son rapport Innover pour pérenniser le système de retraite. Il y formule diverses propositions qui contribueraient à restructurer les différentes composantes du système de retraite québécois, afin de mieux en assurer la pérennité dans le contexte démographique et économique actuel et de renforcer la sécurité financière du plus grand nombre de citoyennes et de citoyens en vue de la retraite. Le Conseil tenait à participer à la consultation sur ce projet de réforme du système de retraite québécois.

Rappelons qu’en 2011, après plusieurs années de réflexion et deux consultations publiques, le gouvernement avait modifié le Régime de rentes du Québec de façon à en assurer la pérennité, reconnaissant que le contexte démographique et économique menaçait son équilibre financier à long terme. Cette réforme s’est faite en deux temps. D’abord, le taux de cotisation d’équilibre et les barèmes de son ajustement annuel ont été introduits par le projet de loi no 10, Loi concernant principalement la mise en œuvre de certaines dispositions du discours sur le budget du 17 mars 2011 et l’édiction de la Loi instituant le Fonds du Plan Nord, lequel a été adopté et sanctionné en juin 2011. Ensuite, des mesures permettant aux personnes cotisantes de recevoir la rente de retraite sans réduire leur temps de travail ont été mises en place dans la foulée du projet de loi no 39, Loi modifiant la Loi sur le régime de rentes du Québec et d’autres dispositions législatives, qui fut adopté et sanctionné en décembre 2011.

Les grandes lignes du rapport

Le comité d’experts sur l’avenir du système de retraite québécois décrit le contexte québécois de ce milieu des années 2010, reliant la baisse de solvabilité que connaissent les régimes de retraite privés et publics à la hausse de l’espérance de vie, aux crises financières des années 2000 (2002 et 2008), aux taux d’intérêt historiquement bas et qui ont peu de chances de retrouver les niveaux élevés des années 1980 et 1990, ainsi qu’au raccourcissement de la vie active constaté sur le terrain.

Soulignant que les régimes publics (le Régime de rentes du Québec, le Programme de la sécurité de la vieillesse et le Supplément de revenu garanti) ne permettent un bon taux de remplacement du revenu1 qu’aux personnes touchant les plus bas salaires, le comité affirme que la protection assurée par les régimes fédéraux aura tendance à s’amenuiser avec le temps, en raison des modalités d’indexation qui y sont prévues. Il constate qu’une large part de la population n’épargne pas assez en vue de la retraite et que près de la moitié des travailleuses et des travailleurs ne participe à aucun régime d’épargne collectif. En outre, les régimes à prestations déterminées, qui sont les seuls à promettre une véritable sécurité financière à la retraite, ont été durement éprouvés par la conjoncture économique des dernières années et plusieurs ont pris fin.

Le comité d’experts fait appel aux valeurs d’équité intergénérationnelle, de transparence et de responsabilisation et prend appui sur un ensemble de principes économiques pour élaborer un plan de redressement. Ses recommandations s’appuient ainsi sur la vérité des coûts2, la diversification des sources de revenus, un cadre législatif flexible et la mutualisation des risques. Le comité propose ensuite des solutions pour élever les taux d’épargne des ménages québécois afin de leur permettre d’atteindre un niveau convenable de remplacement du revenu à la retraite, pour assurer la pérennité et la viabilité des régimes de retraite à prestations déterminées et pour favoriser le déploiement de régimes complémentaires de retraite à cotisations déterminées de type volontaire.

Préoccupé par les enjeux en cause pour l’ensemble de la société et pour la population féminine, le Conseil du statut de la femme a examiné le rapport du comité en portant son attention principalement sur les propositions susceptibles, selon lui, d’affecter différemment les femmes et les hommes.

Au premier chapitre de ce mémoire, le Conseil présente des statistiques ventilées selon le sexe se rapportant à la démographie, à la retraite et aux différentes sources de revenus des personnes âgées, afin d’être en mesure d’évaluer les effets prévisibles des propositions, entre autres sur la population féminine et sur les parents. Dans le second chapitre, le Conseil analyse certaines propositions du comité d’experts et formule des recommandations. Il se penche sur la rente longévité pour ensuite examiner les propositions de modifications du Régime de rentes, des régimes complémentaires de retraite (RCR) à prestations déterminées et enfin le projet de régime volontaire d’épargne-retraite (RVER).

Chapitre I
Les femmes et les hommes arrivant à l’âge de la retraite

L’analyse de la situation des aînés selon le genre permettra de faire ressortir les particularités des femmes et des hommes pour ce qui est de leur longévité, de leur participation au marché du travail, de leurs gains et de leur capacité d’épargner pour leurs vieux jours. Le Conseil veut faire ressortir que les femmes portent encore le poids de la domesticité et de la responsabilité de la famille et des proches, ce qui les rend généralement moins en mesure d’accumuler une épargne personnelle substantielle en vue de la retraite.

L’espérance de vie

Les femmes ayant une espérance de vie supérieure à celle des hommes, les travailleuses qui planifient leur retraite doivent se préparer à échelonner leurs revenus de retraite sur une plus longue période que les travailleurs. Celles qui ont un conjoint doivent également s’attendre à lui survivre, et donc à devoir subvenir seules à leurs besoins.

Le tableau 1 illustre l’évolution, depuis 2000-2002, de l’espérance de vie des femmes et des hommes à 65 ans. En 2012, les femmes âgées de 65 ans vivront en moyenne jusqu’à 87 ans, et les hommes du même âge jusqu’à 84 ans. On voit aussi qu’avec l’amélioration générale de l’espérance de vie, l’écart entre les sexes s’est rétréci au cours de la dernière décennie; il est en effet passé de 3,9 ans à 2,9 ans.

Tableau 1 Espérance de vie des femmes et des hommes à 65 ans, Québec, 2000 à 2012
Sexe 2000-2002 2005-2007 2010-2012 2012
Écart 3,9 3,4 2,9 2,9
Femmes 20,4 21,3 21,8 21,9
Hommes 16,5 17,9 18,9 19,0

Source : Institut de la statistique du Québec, 2013 a (page consultée le 23 juillet)

L’âge du départ à la retraite

Les femmes sont plus nombreuses que les hommes à prendre leur retraite avant 65 ans. Elles sont également plus rares qu’eux à reporter au-delà de cet âge le moment de quitter le marché du travail. De ce fait, peu d’entre elles sont en mesure de profiter des bonifications de la rente de retraite prévues pour les personnes qui poursuivent leur participation au marché du travail au-delà de l’âge de 65 ans.

Parmi les constats dressés à la suite du colloque Le vieillissement démographique : de nombreux enjeux à déchiffrer, tenu en 2012, ceux portant sur le retrait de la vie active indiquent que « [l]a décision de prendre ou non sa retraite est le résultat d’un processus complexe et les mécanismes à l’œuvre sont multiples » (Lefebvre et Merrigan, 2012). L’état de santé ou l’apparition d’un handicap comptent, autant pour les femmes que pour les hommes, parmi les nombreux facteurs. Mais il arrive souvent que les femmes aient à jouer le rôle de proche aidante auprès de leur conjoint ou de parents vieillissants et en perte d’autonomie, ce qui les incitera à quitter le marché du travail plus tôt que prévu. Le caractère pénible de certains emplois exercés par les femmes est aussi à considérer. Lorsque les travailleuses ont commencé très jeunes à exercer ce type d’emplois, elles peuvent ressentir le besoin de prendre leur retraite dès 60 ans. De plus, un certain nombre de couples choisissent de coordonner la prise de leur retraite. Si, comme il n’est pas rare de le constater, les femmes sont moins âgées que leur conjoint, ce choix les amène à devancer l’âge du départ à la retraite. Finalement, le décès du conjoint accélère la prise de retraite chez les femmes (Lefebvre et Merrigan, 2012).

En considérant les métiers pratiqués par les femmes, nous pouvons entrevoir la façon dont la pénibilité des emplois influence l’âge du départ à la retraite. Le tableau 2 présente la liste des 10 principales professions qu’exerçaient les femmes du Québec en 2011. On remarque que toutes ces professions, à l’exception de celles d’adjointe administrative et d’agente d’administration, comportent des tâches requérant une endurance physique, une attention et une patience élevées. Si les conditions d’exercice de ces professions peuvent très bien convenir à des travailleuses jeunes ou d’âge moyen, elles deviennent plus pénibles pour celles qui atteignent un âge avancé.

Les huit professions de ce tableau auxquelles nous pouvons a priori associer un degré de pénibilité élevé représentent près du quart (24,3 %) de l’emploi féminin au Québec. Notons que pour les vendeuses dans les commerces de détail, les caissières, les serveuses au comptoir, les aides de cuisine, les serveuses d’aliments et de boissons, ainsi que certaines aides-infirmières, aides-soignantes et préposées aux bénéficiaires, la situation est particulièrement difficile puisqu’en plus d’être ardus, ces emplois sont rarement associés à un régime de retraite confortable.

Ce ne sont que 8 des 500 professions de la classification nationale des professions : d’autres métiers, bien sûr, comportent des conditions de travail difficiles empêchant la poursuite de l’emploi par les travailleuses plus âgées.

Tableau 2 Les 10 principales professions exercées par des femmes, Québec, 2011
Titre de la profession* Emploi Femmes âgées de 15 ans et plus
Nombre
Part de l’emploi féminin
%
Ensemble des professions 1 865 610 100,00
Adjointes administratives 110 650 5,93
Vendeuses – commerce de détail 86 155 4,62
Caissières 70 140 3,76
Éducatrices et aides-éducatrices de la petite enfance 68 820 3,69
Infirmiers autorisés et infirmiers psychiatriques autorisés 57 435 3,08
Enseignants aux niveaux primaire et préscolaire 48 180 2,58
Aides-infirmiers, aides-soignants et préposés aux bénéficiaires 45 985 2,46
Agents d’administration 45 260 2,43
Serveurs au comptoir, aides de cuisine et personnel de soutien assimilé 38 790 2,08
Serveurs d’aliments et de boissons 37 280 2,00

* Selon la classification nationale des professions de 2011, code à 4 chiffres.
Source : Statistique Canada (page consultée le 2 juillet 2013b)

Les indicateurs sur l’âge du départ effectif à la retraite confirment les résultats attendus. On trouve au tableau 3 des données sur la répartition des nouveaux bénéficiaires du Régime de rentes du Québec. En 2011, seulement 17 % des femmes (24 % des hommes) ont demandé leur rente de retraite à 65 ans. En revanche, 65 % des femmes l’ont réclamée dès 60 ans. C’est le cas de 56 % des hommes.

Tableau 3 Répartition des nouveaux bénéficiaires d’une rente de retraite du Régime de rentes du Québec selon le sexe et l’âge, Québec, 2011
Pourcentage (%)
60 ans 61 à 64 ans 65 ans 66 à 69 ans 70 ans et plus Total
Femmes 65,2 15,6 17,2 1,3 0,7 100,0
Hommes 56,1 17,4 24,2 1,7 0,6 100,0

Source : Régie des rentes du Québec (2012, tableau 30)

Les revenus

L’examen des statistiques sur les revenus des femmes et des hommes âgés de 65 ans et plus au Québec nous révèle que, de façon générale, la population féminine de ce groupe d’âge touche encore aujourd’hui des revenus inférieurs à ceux de la population masculine. Il apparaît également que les régimes publics de retraite contribuent de façon importante à la sécurité financière des personnes âgées des deux sexes, particulièrement à celle des femmes.

Le tableau 4 est tiré des statistiques fiscales des particuliers pour l’année 2010. Il présente les revenus de divers types perçus par les contribuables québécois âgés de 65 ans et plus3. On y voit tout d’abord que, dans ce groupe d’âge, les femmes bénéficient d’un revenu moyen correspondant à 64,3 % de celui des hommes du même groupe d’âge, ce revenu s’élevant à 25 995 $ pour les femmes et à 40 402 $ pour les hommes.

Tableau 4 Pourcentage des contribuables de 65 ans et plus déclarant un revenu selon le type de revenu, le nombre de contribuables, le montant moyen déclaré selon le sexe et le rapport F/H de ce montant, Québec, 2010
Type de revenu Femmes Hommes
Nombre/ Total
%
Nombre
n
Montant moyen
$
Nombre/ Total
%
Nombre
n
Montant moyen
$
Montant moyen F/H
%
Revenu total 100,0 693 423 25 995 100,0 550 667 40 402 64,3
PSV 98,6 683 573 5 863 97,8 538 783 5 822 100,7
SRG 51,4 356 401 4 479 41,7 229 579 4 098 109,3
RRQ, RPC 88,1 611 121 5 243 96,6 531 910 6 857 76,5
PSV, REER, FERR 50,6 350 612 12 414 65,8 362 533 18 315 67,8

Source : Ministère des Finances et de l’Économie (2013, tableau 3)

Ce tableau reflète la dynamique du travail des générations précédentes. Avec une plus grande participation au marché du travail, les femmes devraient moins dépendre, à l’avenir, des régimes publics, même si les écarts salariaux présentement observés se répercuteront sur les revenus de retraite.

Malgré qu’elles soient presque aussi nombreuses que les hommes à faire partie de la population active, les femmes ne bénéficient pas d’une aussi bonne protection financière qu’eux pour subvenir à leurs besoins au moment de la retraite. Leurs revenus de source privée sont peu élevés à la retraite et la plupart d’entre elles seraient incapables d’assurer leur survie sans l’apport des régimes publics.

On constate que la quasi-totalité des femmes et des hommes déclarent un revenu au titre de la pension de la Sécurité de la vieillesse (PSV) et que le revenu moyen provenant de cette source atteint presque 6 000 $ par année, s’approchant du montant maximal de la PSV qui est de 6 553 $. C’est ce montant qui est versé, en principe, à toutes les personnes âgées de 65 ans et plus, pourvu qu’elles aient résidé au Canada pendant au moins 10 années après avoir atteint l’âge adulte et que le ménage auquel elles appartiennent touche des revenus d’autres sources inférieurs à 70 954 $. À partir de ce niveau de revenu, le montant de la pension diminue graduellement pour s’annuler lorsque le revenu du ménage atteint 114 640 $.

En complément de la pension de la Sécurité de la vieillesse, les aînés les plus pauvres reçoivent le Supplément de revenu garanti (SRG)4. Comme on peut le voir au tableau 4, les femmes sont relativement plus nombreuses que les hommes à recevoir une prestation provenant du SRG, et le montant moyen qu’elles touchent est plus élevé que celui des hommes, deux différences illustrant une plus grande concentration des femmes âgées dans les strates de revenu inférieures. En effet, plus de la moitié des femmes, soit 51,4 %, reçoivent une prestation du SRG alors que 41,7 % des hommes en bénéficient. Quant au montant moyen, il est de 4 479 $ pour les femmes et de 4 098 $ pour les hommes. Il faut dire qu’après 65 ans, les femmes vivent plus souvent seules que les hommes et que leurs revenus d’autres sources sont souvent peu élevés.

D’autre part, des rentes du Régime de rentes du Québec (RRQ) et du Régime de pensions du Canada (RPC) sont versées en contrepartie de la participation au marché du travail et des cotisations payées5. On note que, parmi les contribuables âgés de 65 ans et plus, une moins grande proportion de femmes que d’hommes, soit 88,1 % d’entre elles et 96,6 % d’entre eux, déclarent des revenus provenant du RRQ ou du RPC, et que le montant moyen qu’elles touchent à ce titre (5 243 $) correspond à 76,5 % de celui que touchent les hommes (6 857 $). Dans les deux régimes, toutefois, l’essentiel de la rente est lié à la prestation de travail : en raison de leurs revenus d’emploi plus élevés que ceux des femmes, les hommes touchent des rentes plus importantes.

Enfin, seulement la moitié (50,6 %) de la population féminine inscrit un revenu de retraite provenant d’un régime privé (PSV, REER ou FEER), contre 65,8 % de la population masculine. Les sommes déclarées par les femmes bénéficiaires représentent 67,8 % de celles que déclarent les hommes bénéficiaires, les femmes touchant en moyenne 12 414 $ à ce titre, et les hommes, 18 315 $. Le niveau des revenus perçus en carrière et le nombre d’années de cotisation expliquent cette disparité entre les femmes et les hommes. En outre, certaines femmes n’exercent pas d’emploi rémunéré; c’est aussi le cas de certains hommes, mais ils sont moins nombreux que les femmes.

Cotisations à un régime enregistré d’épargne-retraite

Le tableau 5 présente un portrait des contribuables cotisant à un REER. On y voit que les femmes sont relativement moins nombreuses que les hommes à épargner dans un tel véhicule de place- ment. Le nombre de cotisantes s’est toutefois accru au cours de la dernière décennie tandis que le nombre d’hommes cotisants a suivi la tendance inverse. La cotisation médiane à un REER, à 2 600 $ en 2011, n’a pas beaucoup évolué depuis 2000 (+ 8 %), et ce, bien que le revenu d’emploi médian des cotisants ait augmenté de 34 %.

Tableau 5 Caractéristiques des cotisants à un régime enregistré d’épargne-retraite (REER), Québec, 2000 à 2011
2000 2005 2011
Nombre de déclarants
Femmes 2 757 315 2 940 869 3 186 934
Hommes 2 649 185 2 825 541 2 941 786
Nombre de cotisants à un REER
Femmes 674 511 697 199 725 017
Hommes 858 469 852 132 817 573
% de cotisants/déclarants
Femmes 24,5 23,7 22,7
Hommes 32,4 30,2 27,8
% des cotisants selon le revenu total
Moins de 20 000 $ 11,0 8,0 4,0
Entre 20 000 $ et 39 999 $ 25,0
Entre 40 000 $ et 59 999 $ 30,0
Entre 60 000 $ et 79 999 $ 19,0
80 000 $ et plus 9,0 14,0 21,0
Cotisation médiane ($) 2 400 2 430 2 600
Femmes 2 000 2 000 2 120
Hommes 2 900 2 960 3 000
% des cotisations selon le revenu total du cotisant
Moins de 20 000 $ 4,0 3,0 2,0
Entre 20 000 $ et 39 999 $ 12,0
Entre 40 000 $ et 59 999 $ 21,0
Entre 60 000 $ et 79 999 $ 18,0
80 000 $ et plus 27,0 36,0 48,0

Source : Statistique Canada (page consultée le 20 juin 2013a, tableau 111-0039)

Un remplacement du revenu conditionné par le secteur d’activité

Grâce à leur épargne et à leur participation à des régimes de retraite privés, les personnes salariées peuvent s’assurer de maintenir, à la retraite, un niveau de revenu représentant une part adéquate de leurs revenus d’emploi. L’épargne destinée à la retraite comporte des avantages fiscaux, lesquels sont accordés en fonction des cotisations et des revenus de placement. C’est pourquoi une majorité de contribuables touchant un revenu élevé cotisent à un régime privé d’épargne-retraite. Dans les secteurs d’activité où les employeurs offrent un régime complémentaire de retraite, l’épargne est facilitée par la contribution de l’employeur et par le type de régime choisi.

Les données canadiennes sur l’accessibilité des régimes de pension agréés (l’équivalent fédéral des régimes complémentaires de retraite) et des régimes à prestations déterminées par secteur d’activité économique montrent que, dans plusieurs secteurs en croissance, les employeurs ont réduit, entre 1999 et 2011, l’offre de régimes de retraite à prestations déterminées. Dans les secteurs où la main-d’œuvre est majoritairement féminine, c’est le cas du commerce, du secteur des finances, de l’assurance et des affaires immobilières, et du secteur de l’information, de la culture et des services aux entreprises.

Les secteurs de l’enseignement, de la santé et de l’assistance sociale, en forte croissance, réunissent une main-d’œuvre à forte majorité féminine. Ils offrent une bonne protection à une partie de leur main-d’œuvre, avec des régimes de retraite à prestations déterminées, tandis que l’autre partie, composée de travailleuses et de travailleurs autonomes, a recours à des solutions individuelles pour préparer ses revenus de retraite. Le secteur des administrations publiques est en légère croissance et la plupart des emplois qu’on y trouve offrent une bonne couverture avec des régimes à prestations déterminées.

Nombre d’employés par genre (histogramme), nombre d’adhérents à un PSV (ligne pleine) et nombre d’adhérents à un RPA6 de type RPD (points), pour certains secteurs de l’industrie au Canada, pour les années 1999, 2005 et 2011

Estimation du nombre d'employés selon le sexe et le secteur d'activité (personnes x 1 000) Canada
Système de classification des industries de l'Amérique du Nord (SCIAN) Sexe 1999 2005 2011
Fabrication Femmes 595,7 601,8 476,4
Fabrication Hommes 1496,5 1503,7 1162,6
Commerce Femmes 946,2 1150,1 1217,9
Commerce Hommes 951,2 1105,7 1191,1
Finance, assurances, immobilier et location Femmes 470,7 522,3 540
Finance, assurances, immobilier et location Hommes 258,8 294,6 337,1
Services d'enseignement Femmes 590,7 688,3 735,4
Services d'enseignement Hommes 332,9 358,5 375,2
Soins de santé et assistance sociale Femmes 1040,5 1271,5 1546,6
Soins de santé et assistance sociale Hommes 204,4 238,8 289,2
Enseignement, santé, assistance sociale Femmes 1631,2 1959,8 2282
Enseignement, santé, assistance sociale Hommes 537,3 597,3 664,4
Information, culture et loisirs Femmes 257,6 300,5 307,1
Information, culture et loisirs Hommes 278,5 312,2 345,1
Administrations publiques Femmes 360,1 407,9 473,1
Administrations publiques Hommes 416,7 427,8 447,3

Sources: Statistique Canada. Tableau 282-0078 - Enquête sur la population active (EPA), estimations du nombre d'employés selon la couverture syndicale, le Système de classification des industries de l'Amérique du Nord (SCIAN), le sexe et le groupe d'âge, annuel (personnes) (site consulté le 20 juillet 2015)

Nombre d'adhérents à un régime complémentaire de retraite et à un régime à prestations déterminées, selon le secteur d'activité, Canada 1999 à 2011
Type de régime Secteurs d'activité 1999 2005 2011
Régimes complémentaires de retraite Fabrication 777454 807229 617269
Régimes complémentaires de retraite Commerce 435142 555400 516347
Régimes complémentaires de retraite Information et industrie culturelle 171470 156310 148459
Régimes complémentaires de retraite Finances, assurances et affaires immobilières 248463 567597 439292
Régimes complémentaires de retraite Services de l'enseignement, soins de santé et assistance sociale 319145 558901 1018091
Régimes complémentaires de retraite Administrations publiques 1623049 1789271 2077812
Régimes à prestations déterminées Fabrication 628892 591993 313312
Régimes à prestations déterminées Commerce 313197 350107 220032
Régimes à prestations déterminées Information et industrie culturelle 148921 123638 63819
Régimes à prestations déterminées Finances, assurances et affaires immobilières 221082 495970 274494
Régimes à prestations déterminées Services de l'enseignement, soins de santé et assistance sociale 267781 461175 874511
Régimes à prestations déterminées Administrations publiques 1543879 1683676 1980760

Source: Statistique Canada. Tableau 280-0011 - Régimes de pension agréés (RPA), adhérents et valeur marchande de l'actif, selon le Système de classification des industries de l'Amérique du Nord (SCIAN), le secteur, le genre de régime et l'état contributif du régime, annuel (site consulté le 20 juillet 2015)

Chapitre II
Analyse des recommandations du comité d’experts

Le rapport du comité d’experts contient 21 propositions visant à renforcer les systèmes québécois de retraite publics et privés qui ont été fragilisés au cours des deux dernières décennies et à induire, au sein de la population, une plus grande propension à l’épargne privée.

La rente longévité

Le comité recommande tout d’abord que soit mise en place une rente longévité. Cette rente serait pleinement capitalisée et bénéficierait à toutes les personnes ayant gagné des revenus d’emploi entre 18 et 74 ans. Tous les particuliers recevraient, à partir de 75 ans, une rente dont le montant serait proportionnel au revenu moyen qu’ils ont gagné en carrière (0,5 % du salaire par année travaillée), jusqu’au maximum des gains admissibles (MGA) du Régime de rentes du Québec (51 100 $ en 2013). Le conseil d’administration de la Régie des rentes gérerait ce programme. Comme il aurait le pouvoir de modifier le niveau de la rente promise, celle-ci ne serait pas exactement une rente à prestations déterminées, comme l’affirme le comité d’experts, mais s’apparenterait plutôt à une rente à prestations cibles.

Par exemple, une personne qui aurait cotisé pendant 40 ans au nouveau régime deviendrait titulaire, à 75 ans, d’une rente viagère représentant 20 % du salaire qu’elle a touché, en moyenne, ajustée selon un indice de croissance des salaires (MGA), durant ses années de travail. Pour un salaire correspondant au revenu d’emploi moyen touché par les femmes du Québec en 2010, soit 30 730 $, la rente longévité s’élèverait à 6 146 $ par année. Pour un salaire correspondant au revenu d’emploi moyen des hommes en 2010, qui est de 41 260 $, la rente s’élèverait à 8 252 $ par année.

Pour le Conseil du statut de la femme, le choix d’une telle mesure qui aurait pour effet de mutualiser le risque de longévité semble avantageux pour les femmes a priori. Étant donné qu’elles ont, à 65 ans, une espérance de vie plus longue que celle des hommes, il est nécessaire pour elles d’épargner davantage pour ne pas subir de diminution de niveau de vie à un âge avancé. La rente longévité leur retirerait une partie de ce fardeau : la rente est viagère et, comme dans le cadre du Régime de rentes du Québec, un taux de cotisation uniforme serait demandé à toutes les personnes salariées (voir l’annexe II).

L’avantage pour les prestataires du Supplément de revenu garanti n’est pas évident. En effet, le montant de leur prestation, amputé pour tout dollar perçu en revenus d’autres sources7, permet de douter que les personnes touchant des revenus inférieurs à 21 900 $ (pour un couple) ou 16 560 $ (pour une personne seule) et recevant le maximum du SRG aient intérêt à cotiser à la rente longévité. Ainsi, obliger les contribuables qui touchent les revenus les plus bas à cotiser à la rente longévité reviendrait à les priver de revenus dont ils ont besoin aujourd’hui, pour leur permettre de retrouver, au moment de la retraite, un montant qu’ils auraient reçu de toute façon, en vertu du Supplément de revenu garanti.

Cependant, l’érosion du taux de remplacement8 des revenus de la PSV et du SRG fera en sorte que, lorsque la nouvelle rente longévité sera à maturité, moins de personnes auront droit au SRG et que les montants versés seront moindres, en termes réels. Compte tenu de cette situation, nous croyons avantageux que tous les travailleurs et travailleuses cotisent à la rente longévité, comme le préconise le comité.

L’annexe II présente certaines hypothèses et les divers effets de la rente longévité sur le taux de remplacement, notamment ceux qu’obtiendraient les prestataires du SRG.

Notons que l’échelle de distribution des revenus montre que de nombreuses femmes font partie des plus petits salariés. En 2010, 6,2 % des femmes âgées de 65 ans et plus vivaient sous le seuil de faible revenu MPC (mesure du panier de consommation9), sort que partageaient 3,4 % des hommes du même groupe d’âge (ISQ, 2012b).

Compenser le temps consacré aux enfants ou aux proches

La rente longévité serait réduite en fonction des années d’inactivité ou de faibles gains, une caractéristique que le Conseil juge pénalisante pour les femmes. Selon les modalités de la mesure proposée, les cotisations seraient suspendues durant toute période d’inactivité, sans égard au motif de la réduction de l’activité sur le marché du travail. On sait que plusieurs femmes ont une carrière discontinue puisqu’elles se retirent du marché du travail pour donner naissance à leurs enfants, pour en prendre soin ou pour jouer le rôle de proches aidantes. Elles cumulent ainsi, tout au long de leur carrière, des revenus inférieurs à ceux des hommes. Bénéficiant de revenus totaux inférieurs, elles auraient droit à des rentes longévité plus faibles que les hommes et devraient alors combler par leur épargne personnelle une part plus importante du revenu de remplacement.

Pourtant, les personnes qui se retirent du marché du travail pour un congé parental, pour un congé de maternité ou un congé de paternité, ou encore pour exercer des tâches de proche aidante, jouent un rôle à forte valeur sociale qu’il conviendrait de récompenser et non de pénaliser. En effet, une hausse de la natalité a pour effet de réduire le vieillissement de la population et, par le fait même, la pression sur les régimes par répartition liée à ce vieillissement. D’autre part, le soutien des proches aidants permet d’éviter l’institutionnalisation des personnes âgées en perte d’autonomie et les coûts importants qui y sont liés. La réforme des retraites doit permettre de valoriser et de reconnaître, autant chez les hommes que chez les femmes, la prise en charge des responsabilités familiales, à l’égard des jeunes enfants comme à l’égard des parents vieillissants.

Le Conseil du statut de la femme recommande au gouvernement d’instaurer la rente longévité. Toutefois, afin d’intégrer cette rente à une vision globale de la société qui encourage la natalité et le soutien des proches, il recommande que soient retranchées, dans le calcul de la rente longévité, les périodes de faible gain comprises dans la période cotisable d’un parent responsable d’un enfant d’âge préscolaire et celles d’une personne qui assume un rôle de proche aidante10 auprès d’une personne en perte d’autonomie. Cela permettrait de réduire l’effet négatif de l’exercice des responsabilités familiales sur la rente payable. Plus précisément, l’ajustement devrait se faire sur deux axes, à l’instar du modèle utilisé par la RRQ qui retranche les années à faible salaire de la moyenne et ajuste le nombre d’années cotisables au prorata des années travaillées.

Bénéfice au conjoint survivant

Contrairement au Régime de rentes du Québec, la rente longévité ne prévoit pas le versement d’une rente au conjoint survivant. Les bénéfices de ce type sont surtout versés aux femmes puisque ce sont elles qui, le plus souvent, survivent à leur conjoint. Ces bénéfices ont été établis à une époque où peu de femmes exerçaient un emploi rémunéré. Or, le contexte a bien changé. Aujourd’hui, 84 % des femmes âgées de 25 à 54 ans font partie de la population active. Bien que ce taux soit plus important chez les jeunes cohortes, il est difficile de prévoir l’état du marché du travail qui prévaudra lorsque la rente longévité arrivera à maturité (dans les années 2050). Il est probable cependant que les taux de participation des femmes et des hommes à la population active se seront rapprochés et que les femmes seront devenues plus nombreuses à disposer des moyens nécessaires pour assurer leur autonomie financière. Cela laisse présager qu’il serait alors devenu moins primordial d’accorder la rente longévité au conjoint survivant.

Le comité propose, dans le cadre de la rente longévité, qu’à la place d’une rente au conjoint survivant, le versement unique d’un montant équivalant à 5 ans de rentes soit consenti au conjoint en cas de décès de son prestataire avant l’âge de 75 ans, et qu’en cas de décès entre 75 et 80 ans, le paiement de la valeur actualisée des paiements jusqu’à 80 ans soit versé aux ayants droit. Le Conseil reconnaît que, lorsque le régime sera arrivé à maturité, cette garantie pourrait constituer une prestation importante au décès, et ainsi combler une lacune du Régime de rentes dont le bénéfice de 2 500 $ au décès est souvent considéré comme insuffisant.

Mais le Conseil ne croit pas pour autant qu’il soit pertinent de renoncer dans l’immédiat au transfert de la rente longévité au conjoint survivant. Tout d’abord, les femmes n’ont pas encore pris, sur le marché du travail, toute la place à laquelle elles ont droit. Ensuite, et ceci découle de cela, elles perçoivent encore des revenus inférieurs à ceux des hommes. Finalement, un certain nombre de femmes passent encore aujourd’hui leur vie hors du marché du travail, pour consacrer leur temps et leur énergie au bien-être de la famille.

Pour l’ensemble de ces raisons, le Conseil du statut de la femme recommande que, au moment de percevoir la rente longévité, la rentière ou le rentier choisisse entre la garantie d’un montant équivalant à cinq ans de rente ou la réversibilité au conjoint d’un pourcentage11 de sa rente en cas de décès. Ce pourcentage serait à déterminer dans les règles du régime de façon à ce que les deux options soient équivalentes sur une base actuarielle. L’option de la réversibilité de la rente serait avantageuse pour les couples ayant un important écart de revenus en permettant d’assurer un revenu au conjoint survivant, peu importe l’âge auquel a lieu le premier décès.

Une taxe sur les salaires

La cotisation associée à la rente longévité pourrait être vue comme une taxe supplémentaire sur les salaires. Les calculs préliminaires indiquent une cotisation de 3,3 % qui serait partagée en parts égales entre l’employeur et la personne salariée. Comme dans le cas du Régime de rentes du Québec, les personnes exerçant un emploi autonome acquitteraient la totalité de la cotisation.

On sait que les employeurs risquent de s’objecter à l’introduction de la rente longévité, en raison de son coût. Or, si la travailleuse ou le travailleur contribue déjà à un régime complémentaire de retraite, les cotisations aux deux régimes seront coordonnées, et l’effet sur les cotisations patronales de l’instauration de la nouvelle rente sera nul ou réduit.

Le Conseil croit que cet argument devrait être invoqué pour convaincre les employeurs récalcitrants de la validité de la proposition d’une rente longévité. Dans le cas des employeurs qui n’offraient jusqu’ici aucun régime complémentaire de retraite à leur personnel, faire appel à la responsabilisation des employeurs à l’égard de la retraite, comme le fait le comité dans son rapport, permettrait de justifier la hausse des charges sociales qu’entraînerait l’instauration d’une rente longévité.

Le Régime de rentes du Québec

Le comité exprime son accord avec la décision récente du gouvernement de modifier, dans le cadre du Régime de rentes, le facteur d’ajustement du niveau de la rente de façon à inciter plus fortement les personnes actives à reporter après 65 ans l’âge de leur départ à la retraite.

Le Conseil du statut de la femme ne voit pas les choses de la même façon. Il tient à souligner, comme il l’a fait en 2009, que peu de femmes seront en mesure de profiter des bonifications de la rente de retraite prévues pour les personnes qui, après avoir mené une carrière professionnelle continue, poursuivent leur participation au marché du travail au-delà de l’âge de 65 ans (CSF, 2009, p. 11). En 2011, 81 % des femmes se sont retirées du marché du travail avant 65 ans, contre 74 % des hommes.

D’après ce que nous avons vu au premier chapitre, les femmes ont tendance à quitter le marché du travail plus tôt que les hommes pour diverses raisons. Soulignons entre autres que, dans l’état actuel des choses, plusieurs personnes, surtout des femmes, quittent le marché du travail précocement pour jouer le rôle de proches aidantes et ne devraient pas en être pénalisées.

Afin d’encourager les adultes, hommes ou femmes, à s’acquitter de ces tâches socialement nécessaires, le Conseil du statut de la femme recommande donc :

Que le gouvernement renonce à une réduction systématique de la rente de retraite pour toute personne qui se retire du marché du travail avant 65 ans. Une mesure plus équitable ne devrait pénaliser que les personnes qui prennent leur retraite pour une raison autre que celles liées à un problème de santé, à la pénibilité du travail ou à un rôle de proche aidant. Une telle mesure permettrait de décourager les départs anticipés de professionnels qui touchent de généreuses prestations de retraite ou qui poursuivent leur carrière à titre de consultants tout en épargnant les personnes malades, fatiguées ou appelées à d’immanquables devoirs familiaux.

Le comité recommande que le Régime de rentes du Québec soit modifié pour mettre fin aux effets désavantageux de la règle applicable aux revenus gagnés après 60 ans. Il s’agit d’éviter que les gains de travail après 60 ans qui sont inférieurs à la moyenne des gains en carrière affectent à la baisse le niveau de la rente de retraite. Un tel assouplissement serait favorable aux travailleuses et aux travailleurs expérimentés qui souhaitent réduire leur prestation de travail pour s’occuper de leurs proches.

Le Conseil du statut de la femme approuve donc cette proposition et recommande :

Que le gouvernement favorise la participation au marché du travail après 60 ans en modifiant les clauses du Régime de rentes du Québec qui entraînent actuellement un calcul défavorable de la rente de retraite dans le cas des personnes qui réduisent leurs gains de travail à la fin de leur vie active.

Les régimes à prestations déterminées

Comme l’a mis en évidence le rapport du comité d’experts, les régimes complémentaires de retraite à prestations déterminées offrent une meilleure protection financière que les autres types de régimes de retraite d’employeurs ou que les régimes d’épargne personnelle. La promesse d’une rente fixe constitue en effet un gage de sécurité pour les prestataires d’un régime à prestations déterminées, contrairement à l’incertitude qui entoure les rendements des régimes à cotisations déterminées et ceux des régimes d’épargne personnelle.

Or, on l’a vu, la couverture des régimes à prestations déterminées a été réduite de façon importante au cours des deux dernières décennies. Les fluctuations des marchés de valeurs mobilières et la baisse des taux d’intérêt à long terme ont placé ces régimes en situation déficitaire et plusieurs employeurs ont alors préféré cesser de les offrir à l’avenir, alors que d’autres mettaient un terme à leur régime à la suite d’une faillite. Les participants à ces régimes ont vu leurs droits réduits. Pour toutes ces raisons, il semble nécessaire d’instaurer des mesures pour protéger les régimes à presta- tions déterminées.

Le comité formule un ensemble de propositions de nature technique qui visent à restaurer la pérennité des régimes à prestations déterminées et à les rendre plus attrayants pour les employeurs. Une partie de ces propositions portent sur les paramètres que devraient utiliser les administrateurs des fonds pour garantir la solvabilité des régimes à prestations déterminées. Les recommandations visent de plus à corriger les caractéristiques de ces régimes qui avaient pour effet d’avantager certaines catégories de travailleuses et de travailleurs ou à introduire de nouveaux mécanismes comme l’obligation de constituer des provisions pour écarts défavorables, dans le but d’insuffler une plus grande prudence dans l’administration des régimes de retraite.

Considérant que la transformation des règles de solvabilité des régimes de retraite à prestations déterminées vise à rendre ces régimes plus stables, dans le but d’encourager les employeurs à les proposer de nouveau à leurs employés, le Conseil du statut de la femme les voit comme favorables à la sécurité financière des travailleuses au moment de la retraite.

Cotisations volontaires à la retraite

Le comité propose que soit instauré rapidement le régime volontaire d’épargne-retraite (RVER). Ce régime, qui a été proposé pour la première fois dans le Budget de 2011-2012, s’apparente à un REER amélioré. Un RVER viserait à créer des placements qui seraient centralisés entre les mains de gestionnaires professionnels. Il aurait l’avantage d’être plus efficace que l’épargne individuelle parce qu’il permettrait, en regroupant les placements, de réduire les frais de gestion et d’atteindre de meilleurs rendements grâce à une plus grande diversification du portefeuille et à des choix mieux informés.

Pour démontrer la supériorité de l’épargne collective sur l’épargne individuelle, le comité d’experts cite une comparaison entre les rendements obtenus, entre 1999 et 2005, par les caisses de retraite d’employeurs et les rendements des REER : « durant cette période, les caisses de retraite ont obtenu un rendement annuel moyen de 6,0 % comparativement à un rendement de 2,0 % dans les REER » (Langis, 2012, p. 9).

Malgré les avantages qu’il peut avoir sur un mode d’épargne individuelle, le régime volontaire d’épargne-retraite n’est pas de nature à répondre adéquatement aux besoins des travailleuses en matière de retraite, selon le Conseil. Ni l’employeur ni le participant actif ne seraient tenus d’y contribuer, de sorte qu’un tel régime risquerait de ne pas changer grand-chose à la situation de nombreux petits salariés qui n’ont pas de revenus suffisants pour épargner. De plus, en laissant peser sur leurs épaules le risque financier associé aux placements et en ne tenant pas compte du risque de longévité, le RVER laisserait les personnes salariées qui n’ont pas de régime d’employeur aux prises avec l’entièreté du problème de leur sécurité financière à la retraite.

Contrairement au comité, qui préconise le recours au RVER, le Conseil croit que ce régime ne comble pas les lacunes observées dans les ressources disponibles à la retraite, soit, en l’absence de couverture du risque de longévité, les faibles taux d’épargne (de par sa nature volontaire), les coûts de gestion élevés, ainsi que le choix du véhicule approprié pour le décaissement des fonds à la retraite. Nous préconisons plutôt les régimes à prestations cibles, qui pourraient même être mis en place à l’échelle interentreprises afin de bénéficier aux PME, à l’image de ce qui a été instauré pour les groupes communautaires12.

Niveau d’épargne

Si la sensibilisation de la population à l’importance de l’épargne en vue de la retraite est positive en soi, le problème avec les régimes volontaires d’épargne est qu’ils n’accroissent pas la capacité d’épargne des contribuables qui ont des revenus trop faibles pour mettre de l’argent de côté ou qui ne sont pas conscientisés à l’importance de l’épargne. Ces régimes ne peuvent donc entraîner d’amélioration sensible de la situation chez les plus petits salariés.

L’analyse des données sur les cotisations à un REER nous aidera à anticiper la participation à un éventuel régime volontaire d’épargne-retraite. En examinant le tableau 5, au premier chapitre, nous remarquons tout d’abord que les cotisants à un REER sont peu nombreux : ils représentent 25 % des contribuables du Québec qui ont fait, en 2011, une déclaration de revenus à l’Agence du revenu du Canada.

Dans l’échelle des revenus, il est intéressant de constater que les contribuables touchant les revenus les plus bas ne représentent que 4 % de l’ensemble des cotisants et que le volume de leurs cotisations ne constitue que 2 % des cotisations totales déclarées en 2011. Quant aux cotisations des contribuables touchant des revenus supérieurs à 40 000 $, elles représentent 87 % de l’ensemble des cotisations à un REER.

Les femmes ont moins tendance que les hommes à cotiser à un REER : en 2011, 23 % des contribuables féminins du Québec l’ont fait, contre 28 % des contribuables masculins. Si l’on se limite aux seuls cotisants, la cotisation médiane des femmes est de plus inférieure à celle des hommes. En 2011, elle s’élevait à 2 120 $, tandis que celle des hommes était de 3 000 $. Pour le Conseil, ces deux phénomènes doivent être imputés au fait que le niveau de revenu moyen des femmes est inférieur à celui des hommes et qu’elles sont plus souvent chefs de famille monoparentale, et non à une moindre propension à l’épargne. En effet, à revenu constant, les femmes sont plus assidues à l’épargne-retraite que les hommes (Langis, 2012, p. 8).

Une faible littératie financière

La préparation financière en vue de la retraite est une question complexe où l’information joue un rôle déterminant. Les décisions prises par les individus – niveau d’épargne et dettes, choix des véhicules de placement, choix d’un conseiller financier, etc. – affectent grandement le risque financier attaché à leur capital retraite. Or, en règle générale, les participants ne sont pas des experts en placements. Le comité d’experts aborde cette question en rattachant les bas niveaux d’épargne à une méconnaissance, pour une large part de la population, du remplacement de revenu que peut permettre le capital accumulé.

S’ajoutant aux rendements incertains des placements, le manque d’information financière peut conduire les petits épargnants à des décisions malheureuses qui pourraient réduire le rendement de leur épargne et l’enveloppe globale de celle-ci.

Dans les faits, le manque de littératie financière est encore plus grand puisqu’une part importante de la population ignore même jusqu’à la notion de budget personnel ou familial, ainsi que celles de risque ou de mutualisation. C’est pourquoi le Conseil du statut de la femme croit qu’il serait nécessaire de concevoir des outils de vulgarisation en plus de ceux qui existent déjà13, afin de sensibiliser toute la population à l’importance de l’épargne-retraite et de lui permettre de bien comprendre les enjeux de la réforme envisagée et ceux des réflexions qui seront menées dans l’avenir. Les femmes ont un besoin de formation encore plus criant que les hommes si l’on se fie au partage des décisions en matière d’investissement et de planification financière au sein des couples. En effet, selon l’Institut de la statistique du Québec, en 2012, 52,9 % des couples portait conjointement la responsabilité relative aux questions financières, alors que celle-ci incombait exclusivement à l’homme dans 30,4 % des cas et à la femme dans 13,5 % des cas (Vincent, 2012, p. 63).

En 2003, la Régie des rentes du Québec a mis en ligne le site Web Question Retraite, un service d’information visant à sensibiliser la population québécoise, en particulier les personnes âgées entre 25 et 45 ans, à l’importance d’épargner pour la retraite. Le site fournit une information neutre et propose des événements et des outils de calcul intéressants. Il n’offre toutefois aucune aide individuelle aux citoyens pour la planification de leur retraite14.

Au Québec, les associations de consommateurs à vocation budgétaire, comme les associations coopératives d’économie familiale (ACEF), sont réparties sur tout le territoire. Depuis une cinquantaine d’années, elles font de l’éducation populaire et offrent du soutien afin de combattre l’endettement des individus et des familles et de faire en sorte que chacun puisse reprendre le contrôle de ses finances personnelles. Ces associations offrent notamment des conseils en finances personnelles à la population locale qui en fait la demande.

Dans le but de soutenir l’œuvre de ces organismes impartiaux et de favoriser le rayonnement de leurs campagnes d’information sur l’épargne-retraite, le Conseil du statut de la femme recommande au gouvernement de bonifier le soutien financier qui est accordé aux associations coopératives d’économie familiale et aux autres associations du même type.

De plus, le Conseil recommande que, pour compléter l’offre d’information fournie par les associations de consommateurs à vocation budgétaire et pour joindre les personnes qui ne sont desservies par aucune de ces associations, un service téléphonique soit mis sur pied à la Régie des rentes du Québec. Ce service serait chargé de répondre aux questions relatives aux revenus de retraite, de donner des renseignements sur les questions financières et budgétaires de l’heure et de référer les citoyens vers la bonne ressource, au besoin. Il pourrait également être responsable de colliger des données sociodémographiques et des renseignements sur la nature des besoins exprimés par la population qui le consulterait.

Conclusion

Le Conseil du statut de la femme a étudié les mesures proposées dans le rapport du comité d’experts sur l’avenir du système de retraite québécois que le gouvernement a soumises à la consultation publique. Il a porté son attention sur les propositions modifiant l’accès aux régimes de retraite publics ou privés, plutôt que sur celles qui visent à modifier les règles de solvabilité des régimes de retraite privés.

Le Conseil approuve, en principe, la proposition d’une rente longévité, y voyant une bonne manière de faire face au bas taux d’épargne dans un contexte de hausse marquée de l’espérance de vie. Il recommande donc au gouvernement d’instaurer une telle rente, en apportant certains ajustements à la formule proposée.

Selon le Conseil, la participation des femmes au marché du travail, leurs gains et leur capacité d’épargner pour leurs vieux jours portent encore la marque des responsabilités assumées à l’extérieur de la sphère marchande. En effet, malgré une plus grande présence sur le marché du travail, les femmes assument encore une large part de la responsabilité des enfants et des proches. Elles ont une carrière moins continue et travaillent plus souvent à temps partiel; certaines sont amenées à choisir un travail moins contraignant ou à refuser une promotion. Enfin, plusieurs quittent le marché du travail plus tôt qu’elles l’auraient souhaité ou réduisent leur temps de travail pour prendre soin de leur conjoint plus âgé, d’un parent ou d’une autre personne apparentée.

Nous reconnaissons qu’une rente longévité financée par des cotisations salariales peut aider les personnes salariées à s’assurer d’un revenu suffisant pour subvenir à leurs besoins tout au long de la retraite. Il faut toutefois éviter de pénaliser celles et ceux qui quittent leur emploi pour donner naissance à un enfant ou pour en prendre soin, et leur permettre de soustraire du calcul de la rente à laquelle ils auraient droit les années de faible gain ou de gain nul. De la même façon, il faut éviter de pénaliser les personnes qui quittent un emploi pour jouer le rôle de proches aidantes. La valeur sociale des naissances et des soins prodigués aux aînés doit être reconnue, dans les nouvelles mesures comme dans les programmes existants. Le Conseil demande par conséquent que, si la rente longévité est instaurée, des ajustements soient apportés à la formule pour tenir compte des plus grandes responsabilités assumées par les femmes au sein de la famille.

Pour cette même raison, le Conseil demande également au gouvernement d’abolir les nouvelles mesures du Régime de rentes qui ont pour effet d’accroître la pénalité imposée aux personnes qui se retirent du marché du travail avant 65 ans et de modifier les clauses du régime qui entraînent un calcul défavorable de la rente dans le cas des personnes qui réduisent leurs gains de travail à la fin de leur vie active.

Dans le but de favoriser la vulgarisation des enjeux globaux et personnels des réformes du système de retraite et leur compréhension par la plus grande part possible de la population, le Conseil souhaite que soit bonifié le soutien financier qui est accordé aux associations de défense des consommateurs. Il souhaite également que soit mis en place un service téléphonique d’information financière et budgétaire que les futurs retraités de l’ensemble du Québec pourraient consulter lorsqu’ils ont besoin d’explications.

ANNEXE I
Liste des recommandations du Conseil du statut de la femme

Le Conseil du statut de la femme recommande :

  1. Que soit instaurée la rente longévité et, afin d’intégrer cette rente à une vision globale de la société qui encourage la natalité et le soutien des proches, que soient retranchées, dans le calcul de la rente longévité, les périodes de faible gain comprises dans la période cotisable d’un parent responsable d’un enfant d’âge préscolaire et celles d’une personne qui assume un rôle de proche aidante auprès d’une personne en perte d’autonomie.

  2. Qu’au moment de percevoir la rente longévité, le rentier choisisse entre la garantie d’un montant équivalant à cinq ans de rente ou la réversibilité au conjoint d’un pourcentage de sa rente en cas de décès.

  3. Que le gouvernement renonce aux récentes mesures du Régime de rentes du Québec qui ont pour effet de réduire plus fortement la rente de retraite accordée aux personnes qui se retirent du marché du travail avant 65 ans, et qu’une mesure plus équitable soit mise en place afin de ne pas pénaliser les personnes qui prennent leur retraite pour une raison liées à un problème de santé, à la pénibilité du travail ou au rôle de proche aidant.

  4. Que le gouvernement favorise la participation au marché du travail après 60 ans en modifiant les clauses du Régime de rentes du Québec qui entraînent actuellement un calcul défavorable de la rente de retraite dans le cas des personnes qui réduisent leurs gains de travail à la fin de leur vie active.

  5. Que le gouvernement bonifie le soutien financier des organismes sans but lucratif que sont les associations de consommateurs à vocation budgétaire afin qu’elles offrent à la population un service-conseil impartial en matière d’épargne-retraite.

  6. Qu’un service téléphonique soit mis sur pied par la Régie des rentes du Québec afin de compléter l’offre d’information fournie par les associations de consommateurs et de joindre les personnes qui ne sont desservies par aucune de ces associations.

ANNEXE II
Constats relatifs aux taux de remplacement sans autre source de revenu privé de retraite

Les personnes à faible revenu perdent moins que les autres au moment de la retraite. Le système actuel étant à prestations déterminées, la longévité et le rendement auront peu d’impacts sur les revenus de ces personnes. Cependant, comme le montre le tableau 6, les personnes des classes moyennes et élevées auront du mal à maintenir un niveau de vie adéquat si elles n’ont pas bénéficié de fonds de retraite de leurs employeurs et si elles n’ont pas d’épargnes personnelles, fiscalisées ou non.

Tableau 6
Rente avant impôt d’un retraité de 2013, vivant seul, ayant droit au maximum du RRQ, sans aucune source de revenu d’investissement et de travail15
Salaire avant retraite PSV ($) SRG ($) RRQ ($) Rente totale ($) Taux de remplacement ($)
20 000 6 553 5 775 5 000 17 328 87
40 000 6 553 3 279 10 000 19 832 50
60 000 6 553 2 199 12 150 20 902 35
80 000 6 553 2 199 12 150 20 902 26

Toutefois, bien que la rente servie par le Régime de rentes du Québec suive l’évolution des salaires au moment du départ à la retraite, celles du gouvernement fédéral, c’est-à-dire la Pension de la Sécurité de la vieillesse (PSV) et le Supplément de revenu garanti (SRG), suivent, quant à elles, l’évo- lution de l’indice des prix à la consommation (IPC), qui est généralement moindre que la hausse des salaires. Au fil des ans, ces rentes fédérales vont donc générer un plus faible taux de remplacement du salaire et un plus faible pouvoir d’achat, comme on le constate au tableau 7.

Notons que la différence entre l’IPC et le taux de croissance des salaires a deux effets sur le SRG :

  1. le taux de remplacement du revenu diminue dès que le niveau de salaire augmente;

  2. le barème qui détermine les prestations de SRG dépend des autres revenus qui entrent dans le calcul de l’IPC, contrairement au régime de rentes dont les prestations augmentent en fonction de la croissance des salaires. Les tableaux 6 et 7 montrent bien comment l’IPC influe sur les revenus.

Le rapport D’Amours semble tenir compte de ces deux effets dans ses calculs, mais les explications portent surtout sur le premier effet.

Tableau 7
Ajustement du tableau 6 en supposant que les salaires croissent au taux de l’IPC + 1 % sur 40 ans, en dollars de 2013
Salaire avant retraite PSV ($) SRG ($) RRQ ($) Rente totale ($) Taux de remplacement (%)
20 000 4 436 3 105 5 000 12 541 63
40 000 4 436 603 10 000 15 039 38
60 000 4 436 12 150 16 586 28
80 000 4 436 12 150 16 586 21

Quant à la rente longévité, la cotisation représente une taxe supplémentaire sur les salaires. Il s’agit d’une épargne forcée en vue de la retraite, ce qui est nécessaire étant donné le faible taux de remplacement fourni par les régimes publics déjà en place. De plus, le coût total de 3,3 % est plutôt marginal, sauf pour les faibles salaires.

Le tableau 8 permet de constater, comparativement au tableau 6, l’amélioration du taux de remplacement pour tous les niveaux de revenu que permettrait la rente longévité lorsqu’elle aurait atteint sa pleine maturité.

Tableau 8
Ajustement du tableau 6 en fonction de la rente longévité sans égard à l’effet de l’IPC16
Salaire avant retraite ($) PSV ($) SRG ($) RRQ ($) Rente longévité ($) Rente totale ($) Taux de remplacement (%)
20 000 6 553 3 771 5 000 4 000 19 324 97
40 000 6 553 10 000 8 000 24 553 61
60 000 6 553 12 150 9 720 28 423 47
80 000 6 553 12 150 9 720 28 423 36

Le tableau 9 illustre l’effet de la rente longévité dans 40 ans, en considérant aussi les conséquences de l’inflation sur les taux de remplacement. En le comparant avec le tableau 7, qui est également une projection dans 40 ans, on réalise que la rente longévité compensera un peu les effets de l’IPC sur le SRG. Mais si l’on observe le système globalement, la rente longévité n’améliorera pas autant que prévu la situation des gens à faible revenu (à 20 000 $ par année, le taux de remplacement augmente seulement de 10 %, car la rente remplace le SRG). Ce n’est pas le cas pour population des classes moyenne et élevée, qui reçoit peu ou pas de SRG avant la mise en place de la rente longévité. Puisque l’ensemble des contribuables paie la même contribution de 3,3 %, la rente longévité se traduit par un transfert fiscal des gens les plus pauvres vers les classes moyenne et élevée : les moins nantis devront payer plus pour leur revenu de retraite, alors que le moindre recours au SRG réduit les dépenses du fédéral, ce qui, en principe, se traduirait par un allègement de la fiscalité pour les plus aisés.

Tableau 9
Ajustement du tableau 6 en fonction de la rente longévité en considérant l’effet de l’IPC17
Salaire avant retraite ($) PSV ($) SRG ($) RRQ ($) Rente longévité ($) Rente totale ($) Taux de remplacement (%)
20 000 4 436 1 099 5 000 4 000 14 534 73
40 000 4 436 10 000 8 000 22 436 56
60 000 4 436 12 150 9 720 26 306 44
80 000 4 436 12 150 9 720 26 306 33

Considérant ces différentes hypothèses, deux options se présentent aux autorités :

  1. exclure les personnes à faible revenu de la rente longévité à la condition de trouver d’autres mécanismes pour contrer les effets de l’IPC sur le SRG. En effet, le taux de remplacement pour ces personnes sera nettement insuffisant dans 40 ans, selon notre hypothèse;

  2. ne pas exclure les personnes à faibles revenus de la rente longévité, à la condition que leur contribution soit inférieure 3.3 %. Dans ce cas, pour respecter le principe de capitalisation, le manque à gagner devra être comblé d’une manière ou d’une autre, soit en augmentant la contribution des autres personnes, ce qui introduirait un élément progressif dans le système, soit en utilisant un transfert lié au coût réduit du SRG.

ANNEXE III
Description des dispositions fiscales et des régimes actuels favorisant la sécurité du revenu à la retraite

Tableau 10
Sécurité de la vieillesse (PSV, SRG, AC et AS) – Canada
Nom Type Financé par Bénéficiaires Prestation en $
Pension de la Sécurité de la vieillesse (PSV) Prestation universelle imposable; réduite à partir d’un revenu net de 70 954 $en 2013; nulle à 114 640 $ Fonds généraux Canada Population canadienne de 65 ans et + 6 553 $/an en 2013
Supplément de revenu garanti (SRG) Supplément non imposable aux personnes et aux couples à faible revenu Fonds généraux Canada Population canadienne à faible revenu de 65 ans et + Maximum : 8 885 $/an (personne seule); 11 783 $/an (couple)
Allocation au conjoint (AC) Supplément non imposable au conjoint dans un couple à faible revenu Fonds généraux Canada Personnes de 60 à 65 ans avec conjoint de 65 ans et +, ménages à faible revenu Somme équivalant à PSV + SRG
Allocation au survivant (AS) Supplément non imposable au conjoint survivant à faible revenu Fonds généraux Canada Veufs ou veuves de 60 à 65 ans qui avaient ou auraient eu un conjoint de 65 ans et +, personnes à faible revenu Somme équivalant à PSV + SRG
Tableau 11
Régime de rentes du Québec (RRQ) – Québec (équivalent RPC)
Nom Type Financé par Bénéficiaires Rente en $
Rente de retraite Régime contributif obligatoire (assurance sociale) pour les personnes en emploi de 18 à 70 ans Contribution déductible d’impôt et rente imposable Contributions employeur/employé ou travailleurs autonomes sur les gains de travail + rendement de la Caisse; maximum des gains admissibles : 51 100 $ en 2013 Travailleurs de 65 ans et + ou possible à partir de 60 ans ou au plus tard à partir de 70 ans 25 % des gains assurés à partir de 18 ans; rente réduite ou majorée si demandée avant ou après 65 ans
Rente de conjoint survivant Rente imposable Conjoints survivants d’un cotisant assuré Selon âge et statut, pourcentage de la rente du cotisant décédé ou pourcentage + montant forfaitaire

À noter : Le Régime de rentes du Québec attribue également d’autres types de rentes : rente au cotisant invalide, rente à l’enfant d’un cotisant invalide et rente d’orphelin, et enfin, prestation de décès.

Tableau 12
Régimes complémentaires de retraite (RCR) – Québec et Canada (régimes d’employeur)
Nom Type Financé par Bénéficiaires Rente en $
Rente de retraite Régime, contributif ou non, obligatoire pour les employés d’une entreprise
Contribution déductible d’impôt et rente imposable
Contributions employeur/employé + rendement du fonds de retraite Travailleurs à la retraite ou en retraite progressive Selon gains et période cotisée (régime peut être intégré au RRQ)
Rente de conjoint survivant Rente imposable Conjoint survivant d’un cotisant assuré Pourcentage de la rente du cotisant ou, avant la retraite, contributions du cotisant décédé
Tableau 13
Dispositions fiscales favorisant l’épargne (REER et CELI) – Québec et Canada
Nom Type Financé par Bénéficiaires Impôt épargné en $
Régime enregistré d’épargne-retraite (REER) Régime d’épargne permettant de reporter, au moment du retrait du REER, l’impôt à payer sur l’épargne investie; contribution annuelle maximale en fonction du revenu gagné; droits inutilisés pouvant être reportés jusqu’à 71 ans; épargne non immobilisée pour la retraite Manque à gagner pour le fisc si le particulier est imposé à un taux plus faible lors du retrait du REER Particuliers ayant un revenu de travail gagné et les moyens de souscrire à un REER et, s’il y a lieu, leur conjoint Écart entre l’impôt épargné lors de la contribution et l’impôt payé lors du retrait Influence les crédits fiscaux
Compte d’épargne libre d’impôt (CELI) Permet d’accumuler une épargne libre d’impôt; limite: 5 500 $/an; tous les revenus admissibles; droits inutilisés pouvant être reportés Manque à gagner pour le fisc qui n’impose pas les intérêts générés dans les CELI Particuliers ayant les moyens de contribuer à un CELI
Particuliers à faible revenu par opposition au REER
Économie d’impôt réalisée sur les intérêts accumulés qui sont non imposables
Neutre par rapport aux crédits fiscaux
Tableau 14
Dispositions fiscales réduisant l’impôt des personnes âgées – Québec et Canada
Nom Type Financé par Bénéficiaires Impôt épargné en $
Montant en raison de l’âge Crédit d’impôt non remboursable, transférable au conjoint Canada : variable selon le revenu individuel; Québec : variable selon le revenu familial Manque à gagner pour le fisc Particuliers de 65 ans et + (ou leur conjoint) Valeur maximum : Canada : 1 008 $ Québec : accessible aux individus et aux ménages ayant un revenu sous la moyenne
Montant pour revenu de pension Canada : crédit d’impôt non remboursable; transférable au conjoint Québec : crédit d’impôt non remboursable variable selon le revenu familial Manque à gagner pour le fisc Particuliers déclarant des rentes de retraite privées ou un revenu de REER (ou leur conjoint) Valeur maximum : Canada : 300 $ Québec : accessible aux individus et aux ménages ayant un revenu sous la moyenne
Partage des revenus de retraite entre conjoints aux fins d’imposition Possibilité de fractionner entre les conjoints, aux fins d’imposition, les revenus de rentes de retraite privées (y compris REER et FERR) dans le but de réduire l’impôt Manque à gagner pour le fisc Conjoints avec des revenus de rentes de retraite privées dans un couple où ces revenus sont inégalement répartis entre les conjoints Pas de maximum

Bibliographie