Mémoire sur le projet de loi n° 20, Loi édictant la Loi favorisant l’accès aux services de médecine de famille et de médecine spécialisée et modifiant diverses dispositions législatives en matière de procréation assistée

Ce document est la version HTML accessible du Mémoire sur le projet de loi n° 20, Loi édictant la Loi favorisant l’accès aux services de médecine de famille et de médecine spécialisée et modifiant diverses dispositions législatives en matière de procréation assistée, disponible en format PDF sur le site Web du Conseil du statut de la femme.

Table des matières

Le 28 novembre 2014, le ministre de la Santé et des Services sociaux a déposé le projet de loi 20, Loi édictant la Loi favorisant l’accès aux services de médecine de famille et de médecine spécialisée et modifiant diverses dispositions législatives en matière de procréation assistée. Ce projet de loi comporte deux volets différents, l’un concernant l’accès aux services de médecine et l’autre, la procréation assistée. Il s’agit de deux sujets qui préoccupent grandement le Conseil du statut de la femme en raison de leurs impacts majeurs sur les vies des femmes québécoises.

Ces deux sujets seront traités tour à tour dans le présent mémoire. Nous reprenons ici en grande partie les analyses et les recommandations proposées dans deux documents réalisés récemment par le Conseil. Le premier de ces documents porte sur l’accès ouvert aux soins médicaux et le second aborde les activités de procréation assistée (2013a, 2013b). Nous reprenons également certains éléments d’une lettre envoyée par la présidente du Conseil au ministre de la Santé et des Services sociaux à la suite du dépôt du projet de loi 20.

L’accès aux services de médecine1

À l’instar d’un très grand nombre d’observateurs, le Conseil est d’avis que les difficultés d’accès aux services de première ligne2 représentent le problème le plus criant auquel le Québec est présentement confronté dans le domaine de la santé. Ces difficultés sont observées depuis maintenant deux décennies3. Le Conseil estime, à la lumière des comparaisons avec d’autres provinces, que le Québec ne souffre pas avant tout d’un manque de médecins ou de budget. Ce qui est en cause, c’est plutôt l’organisation des soins de première ligne, particulièrement les services médicaux.

Le Conseil croit que cette situation est critique actuellement au Québec. Selon lui, il est du devoir du gouvernement d’intervenir au nom des malades, des familles et des plus vulnérables de la société qui n’ont pas accès, dans un délai raisonnable, aux services de santé qu’exige leur état, et ce, de façon à éviter des séjours dans les urgences ou dans les hôpitaux. En prime, il y a des économies à faire : « Une première ligne forte est associée à une meilleure santé de la population et à de moindres coûts pour les systèmes de santé comparativement aux pays où la priorité est donnée à la médecine spécialisée » (CSBE, 2009, p. 80).

Nous présenterons d’abord notre lecture de la situation concernant l’accès aux services de première ligne au Québec. Nous aborderons ensuite brièvement les changements proposés dans le projet de loi 20 concernant l’accès aux services de médecine, de même qu’une analyse de la réforme envisagée par le gouvernement.

Le manque d’accès aux soins de première ligne : un problème criant

Après avoir présenté un bref portrait de la situation au Québec et les impacts de cette situation sur les femmes, nous aborderons certains facteurs à l’origine des difficultés d’accès et des pistes de solution à envisager.

Portrait de la situation au Québec

L’accès aux services de première ligne peut être mesuré par le pourcentage de Québécois et de Québécoises qui ont un médecin de famille. Selon Statistique Canada, en 2013, la proportion de personnes sans médecin régulier s’élève à 25,1 % au Québec chez les 12 ans et plus, alors que la moyenne canadienne se situe à 15,5 % (Statistique Canada, 2014). Toutefois, l’accès à la première ligne ne se limite pas au fait d’être inscrit auprès d’un médecin; il faut aussi avoir la possibilité d’ob- tenir un rendez-vous avec son médecin de famille dans un délai raisonnable en cas de besoin4. La qualité de l’accès est également évaluée d’après la continuité de leur suivi, soit la possibilité de revoir son médecin de famille.

Dans son avis de 2013, le Conseil citait de nombreuses enquêtes permettant de mesurer l’accès de la population québécoise aux services médicaux de première ligne par comparaison avec celui d’autres provinces. Ces études indiquaient que le Québec fait piètre figure à plusieurs égards. Depuis la parution de cet avis, de nouvelles enquêtes indiquent que ce constat est toujours valable. Citons ici deux études récentes du Commissaire à la santé et au bien-être. D’abord, une étude réalisée avec le Commonwealth Fund5 auprès de personnes de 55 ans et plus indique qu’il est difficile pour les patientes et les patients ayant un médecin de le voir rapidement, et ce, que ce soit en période non régulière (soir, fin de semaine et jour férié) ou en période régulière :

[…] l’accès aux soins médicaux le soir, la fin de semaine ou un jour férié demeure difficile au Québec pour 61 % des répondants (49 % en Ontario et 28 % au Royaume-Uni). C’est le résultat le plus défavorable parmi l’ensemble des provinces et pays participants. De plus, l’accès est également difficile en période régulière pour les Québécois. En effet, seulement 39 % des répondants mentionnent qu’en cas de besoin, ils peuvent voir un médecin ou une infirmière en clinique le même jour ou le lendemain. En Ontario, ce pourcentage atteint 47 % et au Royaume-Uni, 63 %. (CSBE, 2014b, p. 10)

Comme le démontre le Commissaire dans une autre étude, ce manque d’accès aux soins de première ligne contribue à l’engorgement des urgences. Ainsi, en 2012-2013, 60 % des 3,4 millions de visites à l’urgence étaient des cas de niveau de priorité 4 et 5 et auraient pu être traités ailleurs qu’à l’urgence (CSBE, 2014a, p. 8).

La situation des personnes retenues à domicile (essentiellement celles qui sont en fin de vie ou qui sont atteintes d’une maladie chronique grave, mais qui ne nécessitent pas de soins hospitaliers) et de leurs proches est très préoccupante aux yeux du Conseil. Dans les Centres locaux de services communautaires (CLSC), les services infirmiers à domicile sont de plus en plus développés et s’adaptent à une clientèle toujours plus lourde. Toutefois, il est difficile, sinon impossible, pour le personnel infirmier des CLSC de suivre seul, sans médecins, des cas médicalement complexes ou instables. C’est pourtant ce qui se passe dans la plupart des régions du Québec.

Ce problème, dont l’ampleur peut être évaluée indirectement par les statistiques de lieux de décès, explique en partie la congestion dans les urgences québécoises. En effet, les lieux de décès reflètent la pénurie médicale en matière de soins à domicile, à tout le moins pour les personnes en fin de vie, qui représentent les cas les plus instables des services de soins à domicile. Seulement 8,3 % des Québécois souffrant d’une maladie chronique fatale sont décédés à domicile entre 1997 et 2001, comparativement à des pourcentages avoisinant 25 % aux États-Unis et au Royaume-Uni (INSPQ, 2006). Ces données reflètent l’absence de soins médicaux à domicile structurés au Québec et surtout de soins médicaux palliatifs à domicile.

Les impacts sur les femmes

Au Québec, l’accès aux services de santé pour les plus vulnérables, peu importe leur âge, est un enjeu majeur qui a, selon le Conseil, des répercussions importantes sur les femmes, et ce, pour diverses raisons.

D’abord, les personnes jouant le rôle de proches aidants sont majoritairement des femmes. Ainsi, selon le Conseil des aînés, le Québec comptait, en 2001, 1 034 230 personnes dans un rôle de proches aidants, soit 18 % de l’ensemble de la population âgée de 15 ans et plus. Près de 60 % de ces personnes étaient des femmes, proportion qui pouvait atteindre 75,0 % lorsqu’il est question « du principal aidant ». On estime que les femmes assumeraient de 80 à 90 % des soins et des services prodigués (Charpentier et Soullières, 2006, cité dans Conseil des aînés, 2008). En outre, parmi les personnes qui consacrent dix heures et plus par semaine aux soins et aux services prodigués à une personne âgée, 67 % sont des femmes.

La contribution des proches aidants représenterait 7,7 millions d’heures par semaine, contribution dont la valeur financière est estimée entre 5 et 5,7 milliards de dollars par année. En général, l’engagement des proches aidants envers un conjoint ou une conjointe malade ou encore auprès des parents vieillissants s’étend sur une longue période de temps, sur plus d’une décennie dans bien des cas (Conseil des aînés, 2008). Les femmes étant plus nombreuses à être « principale proche aidante », les conséquences sur leur état de santé ou leur niveau de stress, sur leur vie professionnelle et leur revenu sont, comme on peut s’y attendre, plus lourdes. Les sacrifices au quotidien de ces femmes pour arriver à conjuguer leur travail et leurs responsabilités à l’égard de leurs enfants, en plus des soins à donner à une personne en perte d’autonomie, font qu’elles risquent véritablement de s’épuiser à la tâche.

De plus, l’engagement personnel des femmes est sous-estimé, car les statistiques sur les proches aidants ne comprennent pas le temps que les femmes passent à s’occuper de leurs enfants (handicapés ou non ou encore ayant des besoins spéciaux). Par ailleurs, en l’absence de soins à domicile, ce sont les proches aidants, le plus souvent des femmes, qui vivent dans l’isolement à domicile avec une personne gravement malade, sans soutien médical approprié. Ces cas exigent pourtant un suivi médical serré en raison des nombreuses complications possibles. Dans un tel contexte, il est essentiel de procurer à la personne dont elles ont la charge des soins médicaux de première ligne appropriés, en cabinet ou à domicile. L’accès à ces soins doit se faire dans les délais qu’exige sa condition, de façon à éviter le stress et la fatigue associés au fait de se rendre aux urgences ou dans des cliniques « sans rendez-vous ».

Même quand elles ne jouent pas un rôle de proche aidante, les femmes, de manière générale, s’occupent plus que les hommes d’amener leurs enfants ou leurs parents âgés à la clinique ou à l’hôpital. Ainsi, les difficultés d’accès aux soins médicaux de première ligne — surtout en cabinet et à domicile — pèsent lourdement sur les Québécoises, particulièrement les mères de famille, en fait de temps d’attente et de responsabilités supplémentaires.

Enfin, les femmes sont de plus grandes utilisatrices des services médicaux que les hommes, et ce, pour un ensemble de raisons. L’approche préventive en matière de santé fait davantage partie des habitudes des femmes que de celles des hommes. De plus, leur fonction reproductive détermine, de l’adolescence à la ménopause, un ensemble spécifique de besoins en matière de santé. Il faut aussi tenir compte de la longévité supérieure des femmes, leur espérance de vie à la naissance étant de 83,7 ans comparativement à 79,7 ans chez les hommes (ISQ, 2012). Cette longévité accrue a un effet direct sur le recours aux soins de santé : il existe un plus grand nombre de femmes âgées vivant seules que d’hommes, ce qui rend leur situation plus précaire lorsqu’elles tombent malades.

Les causes des difficultés d’accès

Le manque de disponibilité des médecins explique en grande partie les difficultés d’accès aux services de première ligne au Québec. Plusieurs autres facteurs entrent aussi en ligne de compte. Il nous serait impossible de traiter de l’ensemble de ces facteurs dans le cadre de ce mémoire. Nous nous sommes donc concentrés sur certains éléments liés à l’organisation des soins de santé.

Survalorisation de la médecine hospitalière

D’abord, une proportion de plus en plus grande des médecins généralistes québécois se consacre à la médecine hospitalière. Ou, encore, ils pratiquent une médecine générale de première ligne qui ne permet pas la prise en charge médicale globale des personnes les plus malades, par exemple dans les cliniques de médecine sportive.

Seulement 62 % du travail effectué par les médecins de famille québécois est consacré aux services de première ligne, alors que 38 % de leur travail est consacré à la deuxième ligne (FMOQ, 2013). En comparaison, au Canada ou aux États-Unis, moins de 20 % des heures travaillées par les méde- cins généralistes le sont en milieu hospitalier. C’est là une situation exceptionnelle qui nuit aux malades non hospitalisés. Il faut savoir qu’en 1993 le ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec a obligé les jeunes médecins à consacrer un minimum de 12 heures par semaine à des activités médicales particulières6 (AMP), essentiellement en milieu hospitalier. L’effet pervers de cette mesure est que plusieurs médecins généralistes ont développé une expertise hospitalière au détriment de l’expertise de première ligne. De plus, la pratique hospitalière est mieux rémunérée et davantage valorisée, en plus de ne pas impliquer la lourdeur de la prise en charge en continuité.

Obligation de consulter

D’autres aspects de l’organisation des soins nuisent actuellement à leur accessibilité. Certains groupes de médecine familiale (GMF) obligent tous leurs patients à venir consulter leur médecin au moins une fois par année, quel que soit leur état de santé, afin de conserver leurs inscriptions sur les listes. On peut s’interroger sur la pertinence de ces rendez-vous de routine pour des gens en pleine santé, alors que les véritables malades, pour leur part, ne sont pas vus prioritairement par les mêmes médecins.

On peut également remettre en question le refus de certains médecins de faire des prescriptions de routine ou une référence à un médecin spécialiste par téléphone ou télécopieur. Ces rendez-vous mobilisent le temps de bureau des médecins et empêchent encore une fois les malades d’avoir accès à des soins de première ligne. Un système efficace de soins de santé de première ligne devrait permettre d’éviter les visites multiples de personnes vulnérables dans des cliniques « sans rendez-vous » et aux urgences.

Manque de services à domicile

Les médecins de famille québécois font très peu de visites à domicile, beaucoup moins que leurs collègues français, anglais ou belges. Alors qu’au Québec la majorité des généralistes pratique en cabinet, à peine 2,3 % de tous les services médicaux facturés par ces médecins sont des services à domicile (RAMQ, 2006, cité dans Ladouceur, 2008, p. 13). Il faut noter qu’à l’heure actuelle très peu de jeunes médecins optent pour la pratique à domicile et la prise en charge à domicile de personnes vulnérables ou en fin de vie. Cela s’explique notamment par le fait qu’une très faible proportion de l’enveloppe budgétaire destinée à rémunérer les médecins de famille est consacrée aux visites à domicile, alors que cette pratique se révèle exigeante et que les consultations prennent plus de temps qu’en cabinet, sans compter les déplacements pour se rendre à domicile.

En 2003, le Conseil de la santé et du bien-être s’inquiétait déjà de la baisse importante du taux de visites à domicile des médecins de famille québécois. Cette baisse entraînait, selon lui, un taux accru d’hospitalisation en fin de vie, faute de disponibilité de services organisés quant aux soins palliatifs dans la communauté. À l’approche de la mort, on n’a souvent d’autre choix que d’envisager l’hospitalisation ou les visites répétées aux médecins des urgences (CSBE, 2003). De plus, selon le rapport du Vérificateur général paru au printemps 2013, les membres du personnel professionnel affectés aux services à domicile ne passent qu’une faible partie de leur temps de travail au domicile des personnes âgées. Selon ce rapport, le délai d’obtention des services à domicile est si long que la tâche des proches aidants, des femmes en majorité, en est gravement alourdie (Vérificateur général du Québec, 2013).

Des pistes de solutions

Le Conseil a déjà fait savoir en 2013 qu’il souhaitait une réforme de l’organisation des soins pour que les malades soient reçus en première ligne dans des délais requis par leur condition. Ainsi, il faudrait que les cliniques de première ligne (cabinet ou CLSC) soient ouvertes le soir, la fin de semaine ou un jour férié afin que l’on puisse s’y rendre plutôt que d’aller aux urgences, idéalement avec son médecin et non pas en sans rendez-vous. Plusieurs méthodes plus ou moins coercitives sont envisageables selon le Conseil :

L’accès ouvert

Selon le Conseil, il faut encourager l’organisation de la pratique médicale en « accès ouvert » (advanced access), ce qui signifie voir sa patiente qui est malade dans un délai d’un à trois jours. Les cliniques en accès ouvert sont organisées en fonction de la rapidité de réponse de chaque médecin de famille qui se donne comme priorité quotidienne de voir les personnes les plus malades que compte sa clientèle. Les médecins qui adoptent cette pratique consacrent une part importante de leur temps aux rendez-vous pris le jour même ou dans les jours précédents. Il leur est possible de déléguer, notamment à une infirmière, certains examens de routine et le suivi de conditions chroniques stables. Au moment d’une visite pour un problème urgent, le médecin en profite aussi pour renouveler les ordonnances ou effectuer des examens de routine, ce qui permet de réduire le nombre de visites de routine dans son horaire de travail. De cette façon, il lui est aisé de prendre en charge plus de personnes sans augmenter son nombre d’heures de travail ni refuser les rendez-vous urgents. L’accès ouvert permet aux médecins de première ligne d’éviter des listes d’attentes. Malheureusement, le modèle d’accès ouvert en cabinet est trop peu utilisé au Québec, particulièrement dans les milieux urbains.

Révision de la rémunération

Par ailleurs, selon l’analyse du Conseil publiée en 2013, il est nécessaire de repenser la manière de rémunérer les médecins. Ainsi, la rémunération doit être revue en profondeur de façon à inciter les médecins généralistes à véritablement prendre en charge, en continu, les plus vulnérables (les cas les plus complexes) que ce soit en cabinet ou à domicile.

Il faut donc une rémunération mixte, qui combine le paiement à l’acte et la capitation7. Dans les groupes de médecine familiale (GMF), par exemple, le paiement par capitation ne peut pas dépendre seulement du nombre d’inscriptions, mais il doit être lié impérativement au nombre de personnes réellement suivies (et prises en charge selon le mode de l’accès ouvert) par les médecins généralistes, c’est-à-dire celles qui sont vues rapidement par leur médecin quand elles sont malades et demandent un rendez-vous non prévu. Le Conseil croit que cette révision des tarifs peut être réalisée sans que l’enveloppe globale de rémunération des médecins généralistes soit augmentée. Il s’agit de trouver une formule de partage entre rémunération à l’acte et la capitation qui incite vraiment les médecins généralistes à revoir leurs façons de faire afin de prendre en charge un plus grand nombre de patientes et surtout prioriser les plus malades.

Les besoins des plus vulnérables quant aux soins de première ligne doivent devenir le critère essentiel pour déterminer les niveaux et les moyens de rémunération les plus efficaces.

Dans le cas des médecins payés à taux horaire (CLSC, Unités de médecine familiale), si cette forme de rémunération est conservée, il faudrait que la majeure partie de cette rémunération soit liée au nombre de personnes prises en charge. Il faudrait tenir compte du nombre global de patients, mais aussi du nombre de patients suivis au quotidien, que ce soit au bureau ou à domicile. Étant donné que l’on évalue ces temps-ci l’efficience de plusieurs autres membres du personnel professionnel dans les CLSC (ex. : infirmières), il serait équitable d’effectuer une démarche identique auprès des médecins à tarif horaire qui sont également rémunérés à même les fonds publics. Selon certaines études, un effet pervers du salariat et de la rémunération à l’heure est qu’ils n’incitent pas chaque médecin à prendre en charge davantage de patientes (Boulenger et Castonguay, 2012). Le ministère de la Santé et des Services sociaux est conscient du problème, puisque, depuis 2012, 10 % de la rémunération des médecins en CLSC est liée au nombre de personnes prises en charge. C’est un début certes, mais ce n’est pas suffisant pour changer les pratiques médicales.

Le projet de loi 20 et l’accès aux services de médecine

L’un des objectifs du projet de loi 20 est d’inciter les médecins omnipraticiens à prendre véritablement en charge un certain nombre de patients. Le projet de loi fournit peu d’information sur les exigences que devront respecter les médecins et les sanctions appliquées en cas de non-respect de ces exigences. C’est par voie de règlement que seront déterminés ces éléments8. Deux sources permettent d’avoir un aperçu des exigences et des sanctions qui pourraient être imposées aux médecins :

Ces deux documents sont disponibles sur le site Internet du ministère de la Santé et des Services sociaux (Ministre de la Santé et des Services sociaux, 2014a, 2014b).

La réforme envisagée prévoit que les médecins devraient prendre en charge un nombre minimal de patients. Une exigence en matière d’activités médicales particulières (AMP) serait maintenue et, comme c’est le cas à l’heure actuelle, elle varierait en fonction du nombre d’années de pratique. Le nombre de patients à suivre serait déterminé notamment en fonction du nombre d’heures à effectuer en AMP.

Pour s’assurer que les patients inscrits sont réellement suivis par un médecin omnipraticien, une exigence d’assiduité serait instaurée. Un taux d’assiduité serait ainsi calculé pour chaque patient. Ce taux serait obtenu en divisant, pour une période de référence, le nombre de visites d’un patient chez son médecin de famille par le nombre total de visites de ce patient dans le système de santé, soit les visites chez le médecin de famille, en clinique sans rendez-vous ou à l’urgence. Suivant cette logique, si, pendant une période de référence, une patiente se rendait une fois chez son médecin et une fois à l’urgence, le taux d’assiduité serait de 50 % (1/2). Le taux d’assiduité serait de 80 % si un patient voyait son médecin quatre fois et visitait une clinique sans rendez-vous à une reprise (4/5). Selon une réponse fournie par le ministre à un journaliste lors d’une conférence de presse, un taux global d’assiduité serait calculé à partir des taux individuels d’assiduité (Assemblée nationale, page consultée le 20 février 2015). Pour que le médecin ne subisse pas de réduction de salaire, ce taux global devrait être de 80 % au moins.

Une pénalité pouvant aller jusqu’à 30 % de la rémunération totale pourrait être imposée en cas de non-respect d’une exigence liée au taux d’assiduité, au nombre de patients inscrits ou aux heures d’AMP :

Par exemple, un médecin qui aurait un taux d’assiduité de 80 % ou plus aurait sa pleine rémunération. Une décroissance par paliers du taux d’assiduité entraînerait une pénalité pouvant atteindre jusqu’à 30 % de sa rémunération totale à partir d’un taux d’assiduité inférieur à 60 %. […]

La même mécanique s’appliquerait pour le nombre de patients inscrits, soit une pleine rémunération à 100 % du nombre requis jusqu’à une perte de 30 % si le nombre de patients inscrits est de moins de 80 % de l’objectif.

Finalement, la non-observance des AMP entraînerait la même chose. (Ministre de la Santé et des Services sociaux, 2014a, p.4)

Il est à noter qu’une « décroissance de la rémunération par palier » est envisagée par le ministre, mais que des précisions n’ont pas été fournies à cet égard. Par conséquent, on ignore par exemple quelle serait la pénalité pour un médecin qui atteindrait 95 % de la cible du nombre de patients inscrits ou 75 % de l’exigence d’assiduité. On ne sait pas non plus si les pénalités seraient cumulatives si plus d’une exigence n’était pas respectée. Il y a lieu de s’interroger : si la réforme est adoptée, les médecins généralistes modifieront-ils leur pratique ou décideront-ils de subir les pénalités ? Selon les prévisions du ministre, la moitié des médecins travaillant « à temps partiel » choisiraient de modifier leur pratique, alors que l’autre moitié opterait pour une pénalité (Ministre de la Santé et des Services sociaux, 2014a).

Qu’en est-il des personnes ayant des maladies complexes qui demandent plus de temps de la part des médecins ? Le ministre a affirmé qu’une pondération serait mise en application pour ces cas :

Plusieurs estiment que les patients les plus vulnérables seront les laissés pour compte en raison du changement proposé. C’est encore faux. Aujourd’hui, les patients dits vulnérables sont en grande majorité déjà inscrits à un médecin de famille. Par exemple, plus de 90 % des personnes âgées de plus de 70 ans ont un médecin de famille. Aujourd’hui, les véritables orphelins sont les personnes avec des problèmes de santé mentale sévères, de toxicomanie et de dépendance. Ce sont ces personnes qui attendent des mois, voire des années, pour avoir la chance d’être suivies par un médecin de famille. C’est inacceptable. Par conséquent, ces patients particulièrement vulnérables seront pondérés favorablement lorsqu’ils seront inscrits auprès d’un médecin de famille. Il en va de même pour les patients qui doivent être suivis à domicile ou ceux qui sont malheureusement en soins palliatifs ou de fin de vie. (Ministre de la Santé et des Services sociaux, 2014b, p.3)

Ainsi, il y aurait une pondération favorable pour les patientes et les patients présentant des problèmes de santé mentale sévères, de toxicomanie et de dépendance, de même que pour les personnes suivies à domicile, en soins palliatifs ou en fin de vie. Le ministre a aussi indiqué que d’autres pondérations seraient envisagées pour tenir compte de la diversité des pratiques des médecins de famille :

Par ailleurs, de nombreuses autres pondérations seront considérées pour bien refléter la mosaïque de pratiques propres à la médecine de famille. Par exemple, l’enseignement médical et le temps consacré à la supervision des résidents seront notamment reconnus, en réduisant les cibles d’inscriptions minimales attendues des médecins. (Ministre de la Santé et des Services sociaux, 2014b, p.3)

En ce qui concerne les mesures visant les médecins spécialistes, moins d’indications ont été fournies par le ministre. Voici les exigences que pourraient avoir à respecter les spécialistes :

Comme pour les omnipraticiennes et les omnipraticiens, « la non-observance d’au moins une de ces mesures entraînerait la diminution de 30 % de la rémunération de l’ensemble de la pratique des médecins visés » (Ministre de la Santé et des Services sociaux, 2014a).

Enfin, le ministre se réserve aussi la possibilité « de façon exceptionnelle, de réaménager les grilles tarifaires tout en respectant les masses salariales négociées » (Ministre de la Santé et des Services sociaux, 2014a).

Analyse du Conseil du statut de la femme

Le Conseil est en accord avec les grandes orientations de la réforme proposée par le gouvernement. Depuis 1993, la seule exigence formelle que doivent respecter les médecins généralistes est celle relative aux AMP, ce qui favorise le choix d’une pratique hospitalière au détriment de la première ligne. Il n’y a présentement aucune obligation concernant la prise en charge réelle d’un certain nombre de patients en première ligne, notamment les plus vulnérables9. En plus d’inciter les médecins à accepter un nombre d’inscriptions donné, le modèle proposé est axé sur l’engagement responsable de la part des médecins à l’égard des patients inscrits afin que les modes d’organisation des cliniques permettent à ces derniers d’obtenir des rendez-vous à l’intérieur de délais raisonnables et plus rapides (taux d’assiduité). À cet égard, nous pensons qu’il ne faut plus faire l’erreur de consentir des « primes d’inscription » aux médecins sans exiger un réel suivi par la suite. Ainsi, la réforme semble s’appuyer sur une volonté d’implanter « l’accès ouvert » à grande échelle, ce qu’approuve le Conseil.

Ceci étant dit, un ensemble de faits très importants aux yeux du Conseil demeure inconnu pour le moment. Par exemple, si le modèle proposé était retenu, quelle pondération serait accordée aux personnes vulnérables dans le calcul du nombre d’inscriptions ? Selon que cette pondération est intéressante ou non, les médecins sont susceptibles d’orienter différemment leur pratique. Une pondération trop faible pourrait évidemment avoir des effets catastrophiques pour ces personnes, de même que pour leurs proches. À cet égard, le Conseil souhaiterait qu’il soit plus « payant » de soigner des patients vulnérables, ayant des pathologies complexes, que d’effectuer des examens de routine pour des personnes en santé, non seulement du point de vue de la pondération, mais aussi en ce qui a trait à la rétribution. Par exemple, en revoyant les tarifs liés aux actes réalisés dans le cadre d’une visite à domicile, le gouvernement et les fédérations enverraient un signal clair qu’il s’agit d’une priorité à leurs yeux10.

Le Conseil ne dispose pas de l’expertise nécessaire pour déterminer quelles exigences précises sont réalistes pour les omnipraticiennes et omnipraticiens qui travaillent le nombre d’heures se situant dans la moyenne. Toutefois, il est certain que les contraintes seront plus difficiles à respecter pour les médecins travaillant en deçà d’un certain nombre d’heures. À cet égard, nous préférons éviter de parler de « temps plein » ou de « temps partiel » parce que nous ne disposons pas de données solides sur le nombre d’heures de travail clinique direct auprès des patients effectuées en moyenne par les médecins11. Malgré l’absence de ces données, il est permis de penser que les femmes médecins travaillent généralement un peu moins d’heures que leurs confrères puisqu’elles ont un revenu moyen considérablement inférieur à celui de leurs collègues masculins, et ce, peu importe le nombre d’années de pratique. C’est ce que révèlent les données de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ) présentées dans Le profil de pratique des médecins omnipraticiens québécois 2010-2011 (voir le tableau ci-dessous).

Revenu moyen des médecins généralistes selon les années de pratique et le sexe
Années de pratique Femme Revenu moyen Femme ETP moyen Homme Revenu moyen Homme ETP moyen Tous Revenu moyen Tous ETP moyen
TOTAL 174 593 $ 0,89 220 905 $ 1,03 197 794 $ 0,96
10 ans et moins 167 137 $ 0,85 218 956 $ 1,03 181 318 $ 0,90
11 et 19 ans 187 865 $ 0,94 251 679 $ 1,15 211 848 $ 1,02
20 ans et plus 172 548 $ 0,88 214 740 $ 1,01 199 637 $ 0,97

Source : FMOQ, 2013, p. 9

Selon l’analyse de la FMOQ, les responsabilités familiales assumées davantage par les femmes médecins que par les hommes médecins ainsi que les congés de maternité seraient à la source de cet écart entre les sexes (FMOQ, 2013, p. 9).

En plus du nombre moins élevé d’heures travaillées, d’autres facteurs expliquent peut-être les revenus moyens moins élevés des femmes médecins par rapport à leurs collègues. Selon une étude réalisée au Québec, les femmes médecins consacrent en moyenne plus de temps que les hommes à chaque patient12. Ainsi, pour un même nombre d’heures travaillées, le nombre d’actes pourrait être inférieur pour les femmes médecins, ce qui aurait un impact sur la rémunération. Il faut aussi s’interroger au sujet de la division sexuelle du travail à l’intérieur de la profession de médecin généraliste. En d’autres termes, les femmes médecins, par rapport à leurs collègues masculins, orientent-elles davantage leur pratique vers des secteurs moins valorisés et actuellement moins rétribués (ex. : soins palliatifs, visites à domicile, etc.) ? En ce sens, il y a lieu de s’interroger: est-ce qu’une révision de la grille de tarification des actes médicaux pourrait être porteuse de réduction des inégalités salariales entre les médecins des deux sexes ?

Dans un autre ordre d’idées, selon la Fédération des médecins omnipraticiens, un effet de génération est également observable en ce qui concerne le nombre d’heures travaillées. Ainsi, plusieurs jeunes médecins hommes et femmes travailleraient moins tout simplement pour avoir une meilleure qualité de vie. La Fédération fait ainsi référence à la conciliation « travail-loisir » (FMOQ, 2013, p. 9).

Parce qu’on peut faire l’hypothèse que les femmes médecins travaillent généralement un moins grand nombre d’heures que leurs confrères masculins13, notamment pour des raisons de prise en charge des soins aux enfants et aux proches en perte d’autonomie, il est à craindre que le modèle proposé par le gouvernement pénalise davantage les femmes médecins que les hommes médecins. D’un point de vue féministe, on ne peut que déplorer ce fait. Idéalement, la possibilité d’effectuer moins d’heures rémunérées sans pénalité, surtout pour des raisons d’articulation famille-travail, devrait être possible pour l’ensemble des travailleuses et travailleurs, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.

Dans le domaine de la santé, nous faisons face aujourd’hui à certaines contraintes: le Québec dispose actuellement d’un nombre limité de médecins, d’une part, et il est nécessaire qu’un certain volume de soins de qualité soit accordé par les médecins actuellement en poste, d’autre part. Comme nous l’avons illustré à la section 1.1.2, ce sont souvent d’autres femmes (des proches aidantes, des personnes travaillant dans les organismes communautaires, etc.) qui doivent s’occuper des personnes dont la santé vacille lorsque les soins de première ligne ne sont pas accessibles. Les solutions à mettre en œuvre ne sont donc pas simples. Toutefois, le Conseil choisit de prioriser un meilleur accès des femmes aux services de santé de première ligne plutôt que de défendre le droit d’un certain groupe professionnel gagnant des revenus élevés de réduire substantiellement ses heures de travail. Aux yeux du Conseil, les exigences imposées aux médecins devraient cependant tenir compte des congés de maternité (aucune exigence à respecter pour les 12 mois après un accouchement compte tenu du retour progressif au travail), tout comme elles devraient tenir compte des congés de maladie des hommes et des femmes médecins14.

À l’heure actuelle, plusieurs médecins omnipraticiens travaillent dans des cliniques visant certaines catégories de patientes et de patients : cliniques de planning, cliniques jeunesse, cliniques de maladies du sein, cliniques dédiées aux personnes atteintes de VIH, cliniques psychiatriques et pédopsychiatriques, pour ne nommer que quelques exemples. Prenons le cas des cliniques de planning. Aujourd’hui, 80 % des interruptions volontaires de grossesses sont réalisées par des médecins omnipraticiens dans ces cliniques15. Les médecins travaillant dans ces cliniques gèrent aussi des situations de contraception compliquée, par exemple la pose de certains stérilets. Ces médecins rendent donc des services de deuxième ligne. Les femmes ayant besoin d’un avortement ne devraient pas avoir à consulter leur médecin de famille avant de se rendre dans une clinique de planification des naissances. En effet, toute démarche administrative retardant la première consultation augmente la durée gestationnelle et donc le risque de complications. Afin que ces services médicaux demeurent accessibles aux femmes, les médecins pratiquant des avortements ne devraient pas être pénalisés par la réforme envisagée. De même, un médecin de famille dont la patiente consulterait dans une clinique de planning ne devrait pas subir les conséquences de cette baisse d’assiduité.

Par ailleurs, l’analyse réalisée par le Conseil en 2013 portait principalement sur le travail des médecins généralistes. Comme le Conseil n’a pas analysé la situation des médecins spécialistes, il préfère ne pas se prononcer à ce sujet pour le moment.

En somme, le Conseil est en accord avec deux orientations de la réforme, soit l’exigence de prise en charge réelle d’un certain nombre de patients et l’incitatif à modifier les pratiques afin de favoriser un accès ouvert aux médecins de famille, surtout pour les patients les plus vulnérables.

Les modifications antérieures de la rémunération et les primes offertes n’ont pas incité les médecins généralistes à modifier leur pratique pour prendre en charge davantage de patients. Nous croyons donc qu’il est temps de prendre des mesures plus contraignantes pour que les patients puissent bénéficier des soins d’un médecin de famille. Quelles que soient les nouvelles obligations imposées aux médecins, il faudra attendre l’implantation de la réforme pour en évaluer les impacts.

La procréation assistée

Dans cette section, certaines caractéristiques du programme actuel de procréation assistée seront brièvement présentées, de même que les changements visant ce programme proposés dans le projet de loi 20. D’emblée, le Conseil salue l’initiative du gouvernement de revoir ce programme afin de mieux l’encadrer. Le Conseil réclamait l’ajout de balises à ce programme dans deux publications récentes (2010, 2013b). Toutefois, selon le Conseil, si certaines modifications envisagées par le gouvernement vont dans la bonne voie, d’autres sont à revoir ou à abandonner. Des mesures additionnelles devraient aussi être considérées par le gouvernement du Québec.

Le projet de loi 20 et la procréation assistée

Mis sur pied en 2010, le programme de procréation assistée visait, à l’origine, à « payer les frais liés aux traitements de procréation assistée pour les couples et les femmes qui souhaitent s’en prévaloir ». Il assurait la gratuité « pour toutes les activités médicales liées à l’insémination artificielle » et il remboursait jusqu’à trois cycles de fécondation in vitro (FIV). Plus précisément, il remboursait jusqu’à trois cycles stimulés16 ou jusqu’à six cycles naturels17 ou naturels modifiés18. Diverses combinaisons pouvaient être effectuées19. Au-delà de ces essais, les traitements de FIV n’étaient plus remboursés. Toutefois, à la suite d’une naissance vivante, d’autres cycles pouvaient être remboursés pour un autre enfant (CSBE, 2014c, p. 35). Peu de critères d’accessibilité ont été définis, comme en témoigne cette description disponible sur le site Internet du programme :

Toutes les femmes du Québec qui sont en âge de procréer et qui possèdent une carte d’assurance maladie valide peuvent accéder aux traitements de procréation assistée. Bien que la loi ne prévoie pas de limite d’âge prédéterminée pour l’accessibilité au programme, la décision relève du jugement clinique du médecin traitant. C’est aussi au médecin que revient la décision de procéder ou non au traitement selon la condition physique et psychosociale de la personne, en plus de considérer le bien-être du bébé à naître. À cet effet, il peut demander une consultation auprès d’une équipe multidisciplinaire qui l’aidera dans son analyse et sa prise de décision. (Québec, page consultée le 18 février 2015).

Ainsi, seulement deux critères formels balisaient le programme, soit l’âge (« âge de procréer ») et la détention d’une carte d’assurance maladie valide.

Dans les cas de FIV, sauf exception, un seul embryon à la fois pouvait être transféré dans l’utérus d’une patiente. Sous certaines conditions, on autorisait le transfert de deux embryons chez une femme de 36 ans et moins et le transfert de trois embryons chez une femme de 37 ans et plus. En imposant ces limites quant au nombre d’embryons pouvant être transférés, le gouvernement cherchait à diminuer le nombre de grossesses multiples associées à la FIV. Rappelons que ces grossesses représentent le principal risque associé à la procréation assistée (dès qu’il y a stimulation ovarienne et non pas uniquement dans les cas de FIV), et ce, autant pour les mères que pour les bébés :

Les grossesses multiples sont le principal facteur pronostique associé aux complications maternelles et infantiles. La fréquence des grossesses multiples est plus élevée après une FIV, une stimulation ovarienne et une insémination artificielle qu’après une ovulation et une conception spontanées. Chez l’enfant, les risques sont la prématurité et ses séquelles, le retard de croissance, la paralysie cérébrale, les anomalies congénitales et la mortalité périnatale. Les complications maternelles de la multiplicité sont l’anémie, l’hypertension gestationnelle, le diabète gestationnel, les risques liés aux césariennes et l’hémorragie du postpartum. Dans quelle mesure les techniques de procréation assistée augmentent ces risques demeure mal étayé dans la littérature. (CSBE, 2014c, p. 173)

Des risques sont aussi associés à la procréation assistée même dans les cas de grossesses uniques20.

Le projet de loi 20 limite l’accès au programme de procréation assistée, de même qu’à la procréation assistée de manière générale. En effet, il prévoit que les activités de FIV seront interdites pour les femmes de moins de 18 ans ou de plus de 42 ans. Il prévoit aussi qu’« une évaluation psychosociale positive de la personne ou des personnes formant le projet parental » devra être transmise au médecin « lorsqu’un projet parental comporte l’apport de forces génétiques d’une personne qui n’est pas partie à ce projet », soit lorsqu’il y a recours à un don de gamètes. Une évaluation psychosociale pourrait aussi être demandée dans d’autres cas si le médecin le juge nécessaire.

Le projet de loi met fin à la gratuité pour les activités de FIV (sauf exception), mais elle est maintenue pour l’insémination artificielle. Dans les cas de FIV, un seul embryon pourrait être transféré chez les femmes de moins de 36 ans et moins. Sous certaines conditions, deux embryons pourraient être transférés chez une femme de 37 ans et plus. Un crédit d’impôt variable serait accordé aux personnes qui ont recours à la FIV, en fonction des revenus du ou des parents d’intention. Les couples gagnant annuellement 50 000 $ ou moins auraient droit à un remboursement de 80 % des coûts, jusqu’à concurrence de 20 000 $ par année. Pour les couples dont le revenu familial est supérieur à 50 000 $, « le taux du crédit d’impôt serait réduit graduellement pour atteindre 20 % lorsque le revenu familial serait supérieur à 120 000 $ » (Ministère des Finances, 2014, p. 4). Un seul cycle serait remboursé avant 37 ans. Un deuxième cycle pourrait être remboursé entre 38 et 42 ans. Les femmes ayant subi une ligature des trompes et les hommes ayant subi une vasectomie ne seraient pas admissibles au crédit d’impôt, de même que les personnes ayant déjà un enfant (Ministre de la Santé et des Services sociaux, 2014 b, p. 8; Ministère des Finances, 2014, p. 5). Les professionnelles et les professionnels de la santé et des services sociaux conseillant aux patientes et aux patients de se rendre à l’extérieur du Québec pour recevoir des traitements non conformes aux normes du Québec seraient susceptibles de recevoir une amende. Enfin, un organisme compétent, par exemple le Collège des médecins, serait chargé d’établir des lignes directrices en matière de procréation assistée (Ministre de la Santé et des Services sociaux, 2014a, p. 7).

Analyse du Conseil du statut de la femme

Le Conseil est en accord avec plusieurs orientations envisagées par le gouvernement. Ainsi, limiter à deux le nombre d’embryons pouvant être transférés chez les femmes de 37 ans et plus correspond à une recommandation que nous avons formulée en 2013 (CSF, 2013b, p. 12). Il approuve le fait que des lignes directrices en matière de procréation assistée soient définies par le Collège des médecins ou par un autre organisme compétent. Le Conseil est aussi en accord avec l’idée de mettre fin à l’universalité du programme, étant donné que d’autres besoins pressants en matière de santé et de services sociaux ne sont pas comblés, comme nous l’avons mis en évidence dans la première section de ce mémoire. Toutefois, certaines balises envisagées devraient être revues ou abandonnées. D’autres mesures devraient prioritairement être mises en place par le gouvernement.

Les balises devant être revues ou abandonnées

La séquence de traitements et la période minimale de relations sexuelles ou d’insémination

Dans sa Note d’allocution, le ministre mentionnait qu’une séquence de traitements pourrait être imposée aux femmes prenant part au programme : « La femme souhaitant bénéficier du programme devrait le faire suivant une séquence définie et hiérarchiquement croissante commençant par la stimulation ovarienne, suivie de séquences d’insémination artificielle, pour finalement, si ces deux méthodes échouent, accéder à la fécondation in vitro » (Ministre de la Santé et des Services sociaux, 2014a, p. 7). Une période minimale de relations sexuelles ou d’insémination artificielle serait également requise avant de permettre le recours à la FIV.

Le Conseil souhaite émettre diverses remarques au sujet de ces lignes directrices. D’abord, plusieurs parcours sont possibles en procréation assistée : stimulation ovarienne seule, insémination artificielle seule, insémination artificielle précédée d’une stimulation ovarienne, FIV avec stimulation ovarienne, FIV sans stimulation ovarienne, etc. Le graphique ci-dessous, tiré du rapport du Commissaire à la santé et au bien-être, illustre bien ces différentes possibilités.

Graphique 1

Graphique 1
Parcours thérapeutiques possible en procréation assistée, Québec 1998-2013

Source : CSBE, 2014 c, p. 33.

La FIV est généralement utilisée quand les traitements moins invasifs n’ont pas fonctionné. Il s’agit d’une ligne directrice qu’il est judicieux de respecter dans la très grande majorité des cas. Cependant, il existe certaines causes spécifiques d’infertilité pour lesquelles la FIV est indiquée, par exemple « l’obstruction complète des trompes de Fallope, l’endométriose sévère et l’infertilité masculine sévère » (CSBE, 2014c, p. 32). De plus, certaines situations nécessitent le recours à la FIV pour d’autres raisons : « en cas de don d’ovules ou en cas de cryoconservation d’ovules pour préservation de la fertilité pour des raisons médicales, le recours à la FIV est indispensable, tout comme lorsqu’un diagnostic préimplantatoire (DPI) est indiqué » (CSBE, 2014c, p. 33). Ainsi, s’il est vrai qu’il est préférable de favoriser le recours aux techniques plus « légères » avant de se tourner vers les traitements plus « lourds », il apparaît fondamental, aux yeux du Conseil, de laisser aux médecins le soin d’évaluer les situations au cas par cas. Ainsi, il n’est pas nécessaire d’instaurer une séquence de traitements uniforme pour toutes les femmes.

Dans le même ordre d’idées, l’exigence d’une période minimale de relations sexuelles ou d’insémination avant d’autoriser la FIV est une bonne ligne directrice à observer dans la plupart des cas. Cependant, il faut garder à cet égard une certaine flexibilité pour s’assurer de ne pas imposer des normes ne faisant aucun sens pour certaines catégories de personnes. Par exemple, il serait absurde d’exiger une période minimale de relations sexuelles pour les femmes dont les trompes de Fallope sont complètement obstruées, pour les femmes célibataires et pour les couples de femmes.

L’interdiction de la fécondation in vitro pour les femmes de 42 ans et plus

Dans le projet de loi, l’interdiction de la FIV ne toucherait pas seulement les femmes souhaitant avoir recours au programme public; ce serait désormais l’ensemble des femmes, même celles prêtes à assumer la totalité des coûts, qui se verraient interdire l’accès à la FIV lorsqu’elles atteignent l’âge de 42 ans.

Lorsque l’on observe la situation ailleurs au pays et dans le monde, on constate qu’aucune autre juridiction n’applique des critères aussi sévères aux femmes qui souhaitent avoir recours à des services de procréation assistée. Selon les informations dont nous disposons, dans le reste du Canada et aux États-Unis, aucun règlement officiel ne fixe une telle limite d’âge pour ce qui est des services non couverts. En Belgique et en France, les femmes de 42 ans et moins peuvent avoir recours au programme public de procréation assistée, et ce, en utilisant leurs propres ovules. En Belgique, le prélèvement d’ovules est permis jusqu’à 45 ans, et le transfert d’embryons, jusqu’à 47 ans. La limite d’âge de 42 ans ne touche que la couverture des frais par le système public. Au Danemark, la procréation assistée est couverte jusqu’à 40 ans, mais permise dans le privé jusqu’à 45 ans (CSBE, 2014c, p. 46). Une limite de 42 ans pour les services de procréation assistée au public et au privé n’est donc pas la norme dans les systèmes comparables aux nôtres.

Pourquoi mettre en place une mesure aussi sévère, alors que cette modification à la loi n’entraînerait pas d’économie pour les contribuables ? Comment justifier une telle interdiction, alors que des femmes sont prêtes à assumer personnellement les coûts de leurs traitements de fertilité, sans que la facture soit refilée à l’État québécois ? Le Conseil invite le gouvernement à reconsidérer cet article du projet de loi, afin qu’il soit moins contraignant, et ne s’applique qu’au programme public de procréation assistée. Les femmes qui le souhaitent devraient pouvoir avoir recours, à leurs frais, aux traitements après 42 ans, si cela est autorisé par un médecin et que cela répond à certaines balises éthiques.

Les coûts assumés par les patientes et les patients

Le Conseil ne s’oppose pas à l’idée que les coûts liés aux traitements de FIV ne soient plus couverts à 100 % par le programme. Le principe de l’allocation d’un crédit d’impôt aux personnes ayant recours à ces traitements nous semble une alternative équitable et moins coûteuse pour les contribuables. Toutefois, compte tenu des coûts élevés des traitements de FIV, le Conseil souhaiterait que les patientes et les patients à faibles revenus continuent de pouvoir accéder à ces traitements gratuitement. Cela correspond à une recommandation que nous avions émise dans notre avis de 2013.

L’évaluation psychosociale

Le projet de loi prévoit qu’une évaluation psychosociale sera requise dans les cas de dons de gamètes et lorsque le médecin le juge nécessaire. Dans son avis de 2013, le Conseil recommandait « qu’une équipe multidisciplinaire issue du réseau public établisse des critères encadrant l’évaluation des personnes qui veulent recourir à la PMA [et que] ces critères uniformes soient appliqués dans les cliniques publiques et privées » (CSF, 2013b, p. 17). Le Conseil réitère cette recommandation.

Les mesures à ajouter

La création d’un registre pour le suivi et l’évaluation

Dans son avis de 2013, le Conseil recommandait que des informations soient recueillies sur les personnes ayant recours aux traitements de procréation assistée et sur les bébés naissant de ces techniques. Ces informations pourraient servir à établir des états de situation et permettraient de réaliser une évaluation périodique du programme. Il recommandait à cet effet les mesures suivantes :

Le Commissaire à la santé et au bien-être a émis des recommandations similaires dans son rapport (CSBE, 2014c, p. 179). D’ailleurs, pour pouvoir dresser un bilan des effets du programme de procréation assistée, le Commissaire a dû exploiter différentes bases de données médico-administratives. En plus des limites inhérentes aux informations contenues dans ces bases de données, procéder au regroupement et à l’analyse des données requiert beaucoup de temps et d’efforts (CSBE, 2014c, p. 174). La création d’une base de données centralisée apparaît ainsi comme une priorité aux yeux du Conseil.

Un meilleur contrôle de la stimulation ovarienne hors fécondation in vitro et de l’insémination artificielle

Depuis 2010, la limite du nombre d’embryons pouvant être transférés dans l’utérus d’une patiente a permis de réduire les grossesses multiples issues des FIV. Toutefois, selon plusieurs observateurs, il faudrait aussi s’attaquer aux problèmes liés à d’autres techniques de procréation assistée, notamment la stimulation ovarienne hors FIV et l’insémination artificielle. La réglementation prévoit qu’un permis de « centre de procréation assistée » doit être détenu pour réaliser certaines activités, dont la FIV. D’autres activités qui nécessitent des techniques moins avancées, comme la stimulation ovarienne et l’insémination artificielle, peuvent être réalisées à l’extérieur d’un centre de procréation assistée, soit en première ou en deuxième ligne. Ainsi, selon certaines personnes interrogées par le Commissaire à la Santé et au bien-être, il y aurait un manque en ce qui concerne l’expertise et l’équipement nécessaires pour assurer un suivi adéquat à cet égard :

« […] plusieurs acteurs disent que la prescription de stimulation ovarienne est banalisée et qu’elle augmente au fil du temps, du moins pour les agents oraux. De plus, la stimulation ovarienne hors FIV et l’insémination artificielle seraient réalisées en première et en deuxième ligne. Or, les risques de grossesse multiple ou de syndrome d’hyperstimulation ovarienne sont plus difficiles à contrôler si l’on ne dispose pas de l’expertise et de l’équipement nécessaires pour assurer un suivi adéquat, notamment par surveillance échographique. Certains déplorent aussi que l’augmentation de la prescription des agents oraux de stimulation ovarienne pourrait être à la source d’un certain nombre de grossesses gémellaires ». (CSBE, 2014c, p. 215)

Considérant que le recours à la stimulation ovarienne hors FIV et à l’insémination artificielle risquent d’être des traitements plus utilisés qu’auparavant en raison de la fin de la gratuité des traitements de FIV, le gouvernement devrait s’assurer de mieux contrôler les effets de ces activités de procréation assistée, notamment en ce qui concerne les grossesses multiples et le syndrome de l’hyperstimulation ovarienne.

La prévention de l’infertilité

Par le passé, le Conseil a recommandé d’investir dans la prévention de l’infertilité (CSF, 2010, 2013b). Dans son avis de 2013, il formulait les recommandations suivantes :

Le Conseil souhaite réitérer ces deux recommandations.

Le droit aux origines

Le Conseil se préoccupe du droit aux origines pour les enfants nés de la procréation assistée. Ainsi, il réitère deux recommandations formulées en 1996 et en 2013 :

Conclusion

Le projet de loi 20 concerne deux sujets d’une grande importance pour les femmes du Québec. En matière d’accès aux services de médecine, les détails de la réforme envisagée par le gouvernement ne sont pas encore connus (nombre de patients à suivre, AMP, pondération, etc.). Il est donc difficile, pour le moment, d’évaluer les effets potentiels de cette réforme sur les patients ou sur les médecins. De manière générale, le Conseil se prononce en faveur de deux grands principes, soit le fait de favoriser la pratique de la médecine en « accès ouvert » et l’adoption de mesures favorisant la prise en charge réelle des patients par les médecins.

En ce qui concerne les changements envisagés en matière de procréation assistée, le Conseil accueille favorablement la plupart des grandes orientations de la réforme proposée. Toutefois, il juge que certaines mesures envisagées devront être revues ou abandonnées, notamment l’instauration d’une séquence de traitements uniforme pour toutes les patientes et l’interdiction de la FIV après 42 ans. La gratuité de la FIV devrait être maintenue pour les patientes et les patients à revenus moins élevés. En ce qui concerne l’évaluation des personnes souhaitant recourir à la procréation assistée, le Conseil souhaiterait que des critères uniformes soient définis et qu’ils soient appliqués dans les cliniques publiques et privées.

D’autres éléments identifiés dans ce mémoire devraient également être considérés en priorité, notamment la création d’un registre et la mise en place d’un contrôle des activités de procréation assistée autres que la FIV. Le gouvernement devrait aussi s’attaquer à la prévention de l’infertilité et se préoccuper du droit aux origines pour les enfants nés de la procréation assistée.

Références

  1. Cette section reprend de nombreux passages intégralement tirés de l’avis du Conseil de 2013 (CSF, 2013a).
  2. La première ligne médicale est formée de médecins généralistes, aussi appelés « omnipraticiens » ou « omnipraticiennes », qui voient les malades en cabinet ou à domicile. Dès que les malades doivent se présenter aux urgences, faute de médecins généralistes, il s’agit de la deuxième ligne. Les médecins spécialistes font partie de la deuxième ligne. La troisième ligne renvoie quant à elle aux services ultras-spécialisés. Assurée par des équipes interprofessionnelles, la première ligne doit diagnostiquer et proposer un traitement aux maladies courantes. Ces équipes interprofessionnelles sont composées des personnes suivantes : des médecins généralistes; des psychologues; des infirmières et infirmiers; de travailleuses sociales et des travailleurs sociaux; d’autres professionnelles et professionnels de la santé.
  3. Dès 1995, le Conseil médical du Québec (ancêtre du Commissaire à la santé et au bien-être) constatait des lacunes sur le chapitre de l’accessibilité aux services, de la continuité des services ainsi que de l’intégration et de la coordination des soins. Le diagnostic du Conseil médical du Québec au regard de l’accessibilité semble encore d’actualité malgré les efforts consacrés au redressement de la situation au cours des dernières années (Conseil médical du Québec, 1995).
  4. Ainsi, l’accès est aussi mesuré par le temps moyen d’attente pour obtenir un rendez-vous auprès d’un médecin de première ligne pour les malades en général, mais aussi pour les personnes qui ont recours fréquemment aux services, c’est-à-dire les plus malades, que ce soit pour un rendez-vous non urgent ou urgent.
  5. Depuis 2009, le Commissaire participe aux enquêtes du Commonwealth Fund sur les politiques de santé. Le Commissaire finance un sur-échantillonnage qui lui permet de comparer les résultats du Québec avec ceux des autres provinces canadiennes et des pays participants.
  6. Selon une trousse d’information élaborée par le Département régional de médecine générale (DRMG) de Laval et l’Agence de la santé et des services sociaux de Laval (page consultée le 23 février 2015), « les AMP sont des activités considérées prioritaires par le législateur » (p. 4). Elles « servent à orienter les médecins, au plan régional, vers les secteurs d’activités médicales qu’il convient d’abord de combler pour satisfaire les besoins de la population» (p. 5). Les AMP sont divisées en trois blocs eux-mêmes divisés en catégories (sept catégories au total). Les activités du premier bloc ont la priorité sur celles des autres blocs. Les services médicaux dispensés au service d’urgence représentent la seule catégorie du Bloc 1. Parmi les autres catégories d’AMP, mentionnons les suivantes: l’hospitalisation de courte durée avec garde en disponibilité; l’obstétrique; la prise en charge et le suivi de clientèles vulnérables à domicile, en cabinet privé ou dans tout centre exploité par un établissement (p. 11). Le temps devant être consacré aux AMP par période de référence dépend du nombre d’années de pratique du médecin : « tout médecin omnipraticien cumulant moins de 15 ans de pratique doit effectuer 132 heures d’AMP par trimestre, soit l’équivalent de 12 heures par semaine. Le nombre d’heures d’AMP exigé par trimestre diminue à 66 heures, soit l’équivalent de 6 heures par semaine, pour les médecins omnipraticiens cumulant de 15 à 20 ans de pratique. Après plus de 20 ans de pratique, aucune exigence n’est demandée, à moins d’une décision exceptionnelle de l’agence de la santé et des services sociaux (Agence) par l’intermédiaire de son département régional de médecine générale » (p. 4).
  7. La capitation prévoit un montant forfaitaire qui sera versé à chaque médecin pour chaque inscription à sa pratique. Ce montant est modulé en fonction du sexe et de l’âge des personnes inscrites, pour tenir compte du niveau de complexité des cas.
  8. On peut supposer que ces éléments feraient d’abord l’objet d’une négociation avec les fédérations de médecins.
  9. À l’exception de certaines AMP qui consistent en une prise en charge de patients vulnérables.
  10. Pour le moment, c’est la FMOQ qui choisit comment sont allouées les sommes accordées par le Ministère de la Santé et des Services sociaux. Toutefois, dans la réforme proposée, il serait possible pour le ministre de « réaménager les grilles tarifaires ». Le Conseil souhaiterait un réaménagement en ce sens
  11. Tant la Régie de l’assurance maladie du Québec que la Fédération des médecins omnipraticiens n’ont pas pu nous fournir de données à cet égard. Rappelons que les médecins, pour la plupart, sont rémunérés à l’acte et non sur une base horaire.
  12. Une équipe de recherche de l’Université de Montréal a analysé « les données de facturation de plus de 870 médecins québécois, dont la moitié étaient des femmes, en fonction de leurs interventions auprès de patients diabétiques âgés». Cette étude a fait l’objet d’un mémoire de maîtrise dont le Conseil n’a pas pu obtenir une copie au moment d’écrire ces lignes. Toutefois, selon le directeur de recherche de l’étudiante ayant réalisé le mémoire de maîtrise, cette étude montre que la durée des consultations serait plus longue pour les femmes médecins que pour leurs collègues masculins : « Les femmes qui passent plus de temps avec leur patient, on a l’impression que ça va de soi. Mais c’est difficile à observer dans le cadre d’une étude scientifique. Celle-ci y parvient » (Université de Montréal, page consultée le 23 février 2015).
  13. Nous faisons bien entendu référence au travail rémunéré.
  14. Une erreur s’est glissée dans la première version du mémoire. Dans la présente version, le passage « aucune exigence à respecter pour les 12 mois suivants le retour au travail » a été remplacé par « aucune exigence à respecter pour les 12 mois après un accouchement compte tenu du retour progressif au travail ».
  15. Statistique transmise par la médecin et chercheure Édith Guilbert de l’Institut national de santé publique du Québec.
  16. Un cycle stimulé est un « cycle soumis à une stimulation médicamenteuse pour augmenter le nombre d’ovules produits » (MSSS, cité dans Tahon, 2010, p. 34).
  17. Un cycle naturel est « un cycle dont l’ovulation survient spontanément sans être soumis à une stimulation » (MSSS, cité dans Tahon, 2010, p. 34).
  18. Un cycle naturel modifié est « un cycle soumis à une stimulation médicamenteuse visant l’obtention d’un seul ovule » (MSSS, cité dans Tahon, 2010, p. 34).
  19. Les possibilités étaient les suivantes : « 3 FIV sur cycle stimulé; 1 FIV sur cycle stimulé et 4 FIV sur cycle naturel modifié ou sur cycle naturel; 2 FIV sur cycle stimulé et 2 FIV sur cycle naturel modifié ou sur cycle naturel; 6 FIV sur cycle naturel modifié ou sur cycle naturel » (Québec, 2010, cité dans CSBE, 2014c, p. 35).
  20. À titre d’exemple, les grossesses uniques issues de la FIV sont associées à des risques plus élevés de prématurité et de faible poids de naissance pour les bébés (CSBE, 2014, p. 173).
  21. Cette recommandation a été reformulée afin de tenir compte des donneurs et des donneuses autant dans les cas d’insémination artificielle que de FIV.