La sous-représentation des femmes dans les municipalités aux conseils municipaux et dans les mairies

Ce document est la version HTML accessible du La sous-représentation des femmes dans les municipalités aux conseils municipaux et dans les mairies, disponible en format PDF sur le site Web du Conseil du statut de la femme.

Contexte

Peut-on cibler des causes ou des caractéristiques différentes qui expliqueraient le déficit de femmes chez les élus municipaux dans les différentes régions du Québec ? Est-ce que l’on peut remarquer des différences sur la présence ou l’absence d’élues, entre les régions urbaines et les régions plus rurales, ou entre les diverses zones de ces territoires ?

Nous tenterons de répondre à ces questions par ce portrait, résultant d’une rapide collecte de données. Il propose une vision, certes parcellaire de la situation, mais nous semble tout de même un reflet réaliste.

Les responsables régionales du Conseil du statut de la femme ont mis en évidence les raisons les plus fréquemment invoquées ou remarquées pour expliquer la sous-représentation des femmes en politique. Ce portrait a été réalisé grâce aux tableaux sur la présence des femmes et des jeunes dans les lieux consultatifs et décisionnels, produits par le Conseil en 2012, ainsi qu’à l’aide d’études effectuées dans leurs régions, des commentaires des tables de concertation des groupes de femmes et de leur expertise. Plusieurs raisons se recoupent, d’autres sont posées comme hypothèses et devraient être validées par des enquêtes, des sondages ou des études plus poussées.

Dans la mesure du possible, elles ont examiné si le fait d’être en contexte rural ou urbain peut avoir une influence sur l’accès des femmes.

Bien que toutes les régions ne soient pas ciblées précisément, la plupart des raisons et des hypothèses d’analyse invoquées peuvent s’appliquer à la majorité des régions.

Quelques faits

Centre du Québec et Chaudière-Appalaches

Constats et hypothèses

Contrairement à d’autres secteurs décisionnels où elles sont plus présentes, par exemple dans le domaine de l’éducation et de la santé, les femmes semblent peu intéressées et même effrayées par le milieu municipal. Pour elles, la politique municipale c’est « fait pour les hommes ». Bien souvent, les femmes sont mal informées sur le fonctionnement de cet ordre de gouvernance et le rôle d’une conseillère municipale. La voirie et les égouts, ça n’a rien d’excitant et d’attrayant. Elles oublient qu’il y a d’autres dossiers intéressants à gérer dans une municipalité (ex. : transport, culture). Bon nombre d’entre elles manquent également de confiance en elles-mêmes. De façon générale, elles ont peur de s’aventurer dans ce milieu d’hommes malgré leur potentiel, leurs capacités et leur façon particulière d’envisager les dossiers.

Obstacle important à souligner : il est difficile pour les jeunes femmes de faire de la politique municipale en raison de l’enjeu de la conciliation travail-famille ou même de la conciliation travail-études. En effet, les femmes demeurent toujours responsables de la majorité des tâches reliées à la famille malgré les nombreuses avancées en ce domaine. Au Québec, seulement dix jeunes femmes étaient mairesses en 2011 sur un total de 1 102 et 308 conseillères sur 6 929. De plus, il est rare qu’un conseil municipal adopte des mesures incitatives (ex. : paiement de frais de garderie) pour favoriser leur venue. La plupart du temps, celles qui se lancent en politique municipale le font après avoir élevé leur famille et décidé que le bien-être de leur quartier, de leur ville et de leur population valait la peine qu’elles s’investissent pour améliorer leurs conditions de vie. Il y a quand même des jeunes filles qui choisissent de s’investir dans les conseils municipaux. Toutefois, elles mentionnent qu’elles doivent être organisées et savoir planifier leurs journées.

Zones urbaines et zones rurales

D’après les recherches effectuées, il n’y a pas vraiment de différence entre le nombre de femmes élues dans une petite ou une grande ville, qu’elle soit rurale ou urbaine. Il y a des mairesses autant dans les grandes villes urbaines (ex. : Drummondville, Lévis) que dans les petites municipalités rurales (ex. : Saint-Apollinaire).

Il semble que le fait d’être associée à une équipe ou à un parti politique aide les femmes. En effet, il y a un partage et un échange d’idées, de la publicité, un programme établi et des stratégies communes. L’expérience des autres peut être bénéfique à toutes et à tous dans une campagne électorale.

Saguenay–Lac-Saint-Jean

Constats et hypothèses

Au-delà des obstacles généralement identifiés pour expliquer la sous-représentation des femmes, les groupes de discussion et les échanges effectués par le Conseil avec ses partenaires ces dernières années nous amènent à avancer une autre hypothèse.

On a tendance à associer le peu de participation et de présence des femmes en politique, à tous les ordres de gouvernement, au faible taux d’emploi des femmes dans la région. En effet, la structure économique de la région est historiquement basée sur la grande entreprise (secteur de l’aluminium et de transformation des richesses naturelles). Or, celle-ci n’employait pas les femmes. Celles-ci ont donc peu et plus tardivement que leurs consœurs du reste du Québec, intégré le marché de l’emploi. En ce sens, la région a une culture plus traditionnelle que l’ensemble du Québec.

Étant moins présentes dans l’espace public, les femmes ont été moins souvent recrutées pour occuper des postes de pouvoir ou pour présenter leurs candidatures lors des élections. Cette situation tend, comme dans les autres régions, à se modifier, et ce, même si le taux d’emploi y est encore l’un des plus faibles. La réussite des filles à l’école, les différents programmes de soutien et les efforts de la Table de concertation des groupes de femmes y sont pour quelque chose.

Par ailleurs, l’examen de la situation des femmes en emploi dans les autres régions de l’Est-du-Québec (Côte-Nord, Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine, Bas-Saint-Laurent) ne montre pas de corrélation directe avec leur taux de présence en politique municipale. Par exemple, la région de la Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine qui a l’un des plus faibles taux d’emploi des femmes, compte l’un des meilleurs taux de présence des femmes à la mairie et dans les conseils municipaux. Difficile d’expliquer ces résultats contradictoires.

Estrie

Constats et hypothèses

Selon une étude réalisée par le groupe Femmes et politique municipale de l’Estrie1, 60 % des femmes ont été élues par acclamation et 56 % des hommes avaient une opposition très importante. Les candidatures d’hommes seraient plus en demande que celles de femmes pour siéger au conseil municipal. Seulement 6 % des hommes interrogés ont rejoint le conseil de leur municipalité par choix personnel, contrairement aux femmes dont le pourcentage est de 30 %. L’étude indique que certaines femmes éprouvent un malaise à être approchées pour devenir candidates parce qu’elles ont par la suite l’impression d’avoir une dette. Toutefois, le recrutement des femmes est une voie à emprunter pour atteindre l’équité au sein des conseils municipaux. Puisque la politique est encore un métier « non traditionnel » pour les femmes, elles vont rarement l’explorer par elles-mêmes et ont besoin qu’on leur tende la main. Bref, la plupart des femmes attendent d’être invitées avant de s’impliquer dans un conseil, ce qui n’est pas le cas des hommes.

Selon l’étude, le fait de n’avoir aucune expérience politique freine davantage les femmes que les hommes. En fait, 88 % des hommes n’avaient aucun antécédent politique comparativement à 40 % des femmes. Les hommes ont également un intérêt qui remonte à plus longtemps que les femmes pour la politique : 80 % des hommes s’intéressent à la politique depuis plus de 10 ans et chez les femmes, c’est moins de 5 ans. Cet intérêt enraciné donnerait peut-être plus confiance aux hommes. Ceux-ci seraient également davantage impliqués dans les organismes paragouvernementaux.

On retrouve plus d’indécision chez les femmes concernant la poursuite des mandats. Selon l’étude, les femmes ont moins confiance en elles que les hommes. On a demandé : pensez-vous que le fait de participer activement à la politique municipale peut inciter d’autres personnes à se joindre au conseil ? Un total de 81 % des hommes ont répondu oui pour seulement 60 % chez les femmes.

La lourdeur des tâches et les normes qui prévalent au municipal bloquent les projets d’engagement des femmes et les limitent. Les femmes ont indiqué ressentir de la frustration par rapport au peu d’implication de la population et au manque de temps dans leur vie quotidienne. Le fait de devoir concilier travail et famille peut avoir une influence sur leur décision de faire partie ou non d’un conseil municipal.

Elles ont également mentionné que les mentalités des résidents des petits milieux dans lesquels elles œuvrent constituent parfois une barrière, surtout pour les jeunes femmes. De plus, 89 % des élues municipales ont mentionné que la formation est un bon moyen d’accroître le nombre de femmes en politique, il faut donc emprunter cette voie, en plus de favoriser le mentorat.

Laurentides

Constats et hypothèses

Selon le Réseau des femmes des Laurentides, les femmes perçoivent la politique municipale comme un milieu conflictuel, ce qui le rend peu attrayant. Pour plusieurs, il est inquiétant d’intégrer un monde majoritairement masculin. La perception que les femmes ont d’elles-mêmes est aussi un obstacle. Elles se sous-estiment et sous-évaluent leurs compétences, aptitudes et capacités à occuper ces types de fonction. La plupart des femmes qui ont brigué des postes électifs l’ont fait après avoir été approchées et convaincues de le faire. Elles n’y seraient pas allées d’elles-mêmes. Les hommes, eux, ont une longueur d’avance sur le terrain; ils seraient plus proactifs, formant leur équipe et démarrant leur campagne plus rapidement.

Il semble plus difficile pour les femmes de concilier le travail, leurs obligations familiales (prendre soin des enfants et/ou des parents) et les activités pendant une campagne électorale (nombreux déplacements, disponibilité), ou les fonctions d’élue (séances du conseil généralement le soir, frais de gardiennage). Elles estiment que le soutien des autres membres de la famille est essentiel.

Les femmes jouissent en moyenne d’un revenu d’emploi et d’un revenu personnel inférieurs à ceux de leurs homologues masculins. L’obligation de financer leur campagne électorale, d’investir beaucoup de temps sans toucher aucune rémunération peut donc s’avérer très lourde. De plus, l’exercice de la fonction de mairesse ou de conseillère municipale dans les petites municipalités est peu rémunéré, ce qui oblige à occuper un autre emploi.

Zones urbaines et zones rurales

La taille des municipalités semble un facteur distinctif, plus que leur caractère urbain ou rural. Les mairesses sont plus nombreuses dans les municipalités de moins de 5 000 habitants (10 mairesses sur 13). Elles ne sont donc pas présentes au sein de la CRÉ, lieu névralgique de développement local et régional, où sont présents les élus et élues des villes-centres et ceux des municipalités de plus de 5 000 habitants.

Lanaudière

Constats et hypothèses

Dans la région de Lanaudière, 8,5 % des municipalités (5 sur 59) étaient dirigées par une mairesse en 2011, une des plus faibles proportions au Québec et très loin derrière la moyenne provinciale de 15,9 %.

Selon certains groupes et partenaires concernés par la question, le monde municipal est encore perçu comme un lieu de conflits. Un monde d’hommes qui traite des dossiers et des préoccupations d’hommes : gérer de l’asphalte, permis de construction, ouvrir des routes. La construction, secteur encore très fermé aux femmes, est un élément névralgique de l’économie de la région et est au cœur de la sphère municipale (particulièrement dans les MRC de la couronne de Montréal où le développement est fulgurant). Les intérêts et préoccupations des femmes pour le développement durable, et pour l’environnement seraient vus comme incompatibles, voire un empêchement au développement économique des municipalités. Dans certains cas, les élues qui proposent une vision différente de l’occupation du territoire sont intimidées, ridiculisées, confrontées à des attitudes antagonistes, voire carrément exclues des discussions.

L’âge moyen des maires est de près de 60 ans. On remarque que ceux-ci projettent une vision stéréotypée des rôles sexuels, de la place des femmes et des hommes; un chauvinisme, parfois exprimé ouvertement.

Il est souligné également que les femmes déplorent un manque de formation et une méconnaissance de l’organisation et du fonctionnement de l’administration municipale.

L’impact potentiellement négatif du scandale de la corruption sur le nombre de candidates aux élections de 2013 est mentionné.

Zones urbaines et zones rurales

Lanaudière compte plusieurs petites municipalités où les maires sont en poste depuis plusieurs années. Il pourrait être plus difficile de changer les choses ou de contester les personnes en place quand tout le monde se connaît. La perspective de créer des conflits au sein de sa communauté découragerait plusieurs femmes susceptibles de briguer un poste. Il semble que cette situation soit moins vraie dans les municipalités où la population est plus nombreuse parce que l’environnement est plus anonyme et impersonnel et aussi parce que les candidates bénéficient de l’appui d’une équipe. C’est le cas à l’Assomption et à Repentigny par exemple, qui ont élu chacune une mairesse.

Montérégie

Constats et hypothèses

En Montérégie, il est difficile de déterminer précisément les facteurs entraînant une faible représentation des femmes en politique municipale. Il serait éclairant de mener une enquête sur ce sujet auprès des élues et de la population, car trop peu d’écrits portent sur cette question. Néanmoins, nous pouvons spéculer sur certaines causes communes à quelques régions.

Parmi celles-ci, le recrutement demeure problématique. Que ce soit par manque de confiance en elles ou en raison de perceptions erronées du milieu de la politique municipale (« réservé aux hommes »), il est très difficile de recruter plus de candidates.

Il semble aussi que la restructuration des conseils régionaux de développements en CRÉ a eu des impacts importants sur le nombre de candidatures féminines au palier municipal. Ces transformations ont touché particulièrement les femmes, puisqu’elles représentent souvent les groupes de la société civile qui ont perdu du terrain dans cette instance (CRÉ). Dans un même ordre d’idées, les réorganisations municipales entre 2000 et 2005 ont réduit le nombre d’élus et, par le fait même, d’élues. On note par ailleurs une décroissance de la présence des femmes depuis ces réorganisations municipales.

Les ressources financières et le manque de temps sont aussi évoqués. En effet, les femmes sur le marché du travail occupent souvent des emplois à revenus moindres que ceux des hommes. Puisque ces emplois sont parfois moins flexibles, cela contribue au fait que les femmes s’investissent peu en politique.

Par ailleurs, le réseautage joue pour beaucoup. En effet, avoir des appuis et du soutien paraît crucial pour se lancer en politique. Or, les femmes ont un réseau de connaissances moins développé que les hommes.

La conciliation travail-famille, bien que préoccupante, n’est peut-être pas le facteur le plus déterminant dans le choix des femmes de se porter ou non candidate. Cet argument est perçu comme réducteur et devient une justification employée par les hommes et les femmes pour expliquer la faible présence de celles-ci au sein du milieu municipal. Néanmoins, les stéréotypes et les rôles attribués traditionnellement aux femmes et aux hommes doivent être considérés.

L’Assemblée des groupes de femmes d’interventions régionales (AGIR) (2011) soulève par ailleurs le manque d’attrait pour la politique en tant que facteur de sous-représentation des femmes au palier municipal. Les perceptions y sont pour beaucoup, notamment celle voulant que la politique est un monde essentiellement d’hommes. De plus, la préséance accordée à la dimension économique plutôt qu’au volet social dans le développement régional, peut jouer sur la décision des femmes à se lancer en politique. Il semble que ces dernières favoriseraient plutôt des milieux où la santé, les services sociaux et l’éducation sont prioritaires.

Zones urbaines et zones rurales

Malgré la dualité « urbain/rural » très présente en Montérégie, il ne semble pas y avoir une différence marquée entre ces deux types d’entités territoriales. Peu de femmes sont présentes, que ce soit en milieu urbain ou en milieu rural. Il ne semble pas y avoir de particularité quant à la taille des villes/municipalités non plus. Quoique dans certaines petites municipalités, la taille réduite de la communauté peut jouer sur l’élection. En effet, nous pouvons présumer qu’une plus petite communauté favorise un réseautage plus serré et un réseau d’appui plus grand, ce qui avantage indépendamment une femme ou un homme. De même, selon certains auteurs, les plus petites communautés reconduisent souvent le mandat de la personne élue lors de précédentes élections (homme ou femme).

La Montérégie a cela de particulier : elle comporte trois CRÉ et au sein même de ces CRÉ, la dualité urbain/rural est présente. Cette dualité se retrouve également à l’intérieur des MRC. Ainsi, une MRC comptant plusieurs municipalités (villes, villages, paroisses, cantons) peut être à la fois urbaine et rurale. Cela complique l’évaluation de la présence des femmes si l’on ne procède pas à une analyse de la situation de chaque municipalité.

Il ne semble pas y avoir de facteur spécifique ayant causé la croissance ou la décroissance de la présence des femmes.

Montréal et Laval

Il serait intéressant, pour les grandes villes fusionnées, autant la ville de Montréal que celles situées en région, de pouvoir examiner en détail l’impact des fusions, réalisées en 2002, sur la présence des femmes.

Pour la région de Montréal, les données comparatives de nos tableaux indiquent une diminution de la présence des mairesses et des conseillères, de 2005 à 2012. Cependant, la Ville de Montréal fait très bonne figure sur la scène québécoise, avec 39,8 % d’élues.

Selon Bherer et Collin (2008)2 « Montréal offre un contexte exceptionnel, qui influence sans doute l’accès des femmes à la scène politique locale : la présence de quatre types de postes électifs différents (maire, maire d’arrondissement, conseiller de ville et conseiller d’arrondissement) ». Ils estiment également que « la famille est une contrainte moins forte au niveau municipal, car le facteur de mobilité est moins important ». La mobilité constitue d’ailleurs un des facteurs facilitants à Montréal. Les salaires plus élevés peuvent également présenter un plus grand attrait. Par ailleurs, alors que les postes de conseillers par exemple sont souvent à temps partiel dans les petites municipalités, il est peut-être plus facile d’en vivre à Montréal où certains postes sont à plein temps.

Laval, quant à elle, constitue une seule municipalité, une région et une MRC et ne compte qu’un seul maire, qui est aussi préfet. Jusqu’à tout récemment, le maire était en poste depuis des dizaines d’années et l’opposition officielle était très peu organisée. Cela peut expliquer la réticence de certaines personnes à se présenter, femmes ou hommes. À Laval, « le taux de renouvellement de la classe politique peut constituer une cause de sous-représentation, particulièrement dans un système politique où le nombre de mandats n’est pas limité. » (Bherer et Collin, 2008 : 13)

Cependant, la moitié du conseil municipal, est composé d’élues. Nous pouvons émettre l’hypothèse que le réseautage est plus aisé pour les femmes. Le milieu communautaire lavallois, par sa solidité et la qualité de son réseautage, peut constituer un atout de taille pour les femmes. Des ressources existent pour soutenir une femme qui souhaiterait se lancer en politique. De plus, la hausse du nombre de Lavalloises travaillant à temps partiel pourrait indiquer que plus de Lavalloises disposent du temps nécessaire pour s’investir en politique municipale.

Or, à tout autre égard, rien ne distingue particulièrement les Lavalloises des femmes des autres régions quant aux facteurs de contrainte (conciliation famille-travail, etc.).

Bas-Saint-Laurent

Constats et hypothèses

Après les élections de 2009, une consultation a été menée par le Comité Femmes et ville Rimouski auprès des femmes de la région. Il s’en dégage certaines constatations :

Plusieurs femmes attendent donc que leurs enfants soient plus autonomes avant d’envisager une implication en politique. Au plan financier, la faible rémunération des conseillers et conseillères oblige souvent les personnes à continuer d’exercer un emploi à temps plein. Les femmes considèrent également que la politique n’est pas assez valorisée socialement et qu’elle est trop souvent perçue comme un espace de confrontation.

Mauricie

Constats et hypothèses

La Mauricie est l’une des régions ayant le meilleur taux de représentation des femmes au sein des conseils municipaux, surtout pour ce qui est des conseillères municipales, avec 37,1 % atteints aux élections de 2009. Ce pourcentage a toutefois un peu diminué, soit 35,6 % en 2011, signe que les femmes quittent avant la fin de leur mandat et sont remplacées par des hommes. La rétention des femmes dans les conseils semble donc être un problème.

Selon la Table de concertation du mouvement des femmes de la Mauricie, les principales causes qui pourraient expliquer pourquoi il y a moins de femmes que d’hommes sur les conseils municipaux sont :

Zones urbaines et zones rurales

Il n’y a pas de réelle différence entre la place des femmes en zones urbaines et celle en zones rurales en Mauricie. Aux élections de 2009, 15 municipalités, dont Trois-Rivières ont atteint la parité (zone paritaire) sur 42 municipalités (35 %). La progression de la présence du nombre de femmes dans les conseils municipaux en Mauricie est constante, principalement depuis les dernières élections générales de 2005. Les efforts mis en place par la Table de concertation du mouvement des femmes de la Mauricie et le projet Mauriciennes d’influence, en cours depuis les élections générales de 2005, ont probablement eu un effet positif. Les deux régions qui ont mené le plus d’actions afin de promouvoir la participation des femmes en politique municipales (soit la Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine et la Mauricie) ont eu les meilleurs résultats quant au nombre de femmes candidates et élues aux élections de 2009.

Outaouais

Constats et hypothèses

La région se classe parmi les dernières au Québec pour sa proportion de femmes à la mairie, avec 9 % de mairesses élues en 2009, contre 16 % dans l’ensemble du Québec. Au chapitre de la proportion de femmes dans les conseils municipaux, la région se classe plus près de la moyenne québécoise (29,1 %), avec une proportion de 28,4 % de femmes. Ces statistiques cachent une distribution inégale de la représentation féminine dans les conseils municipaux. En effet, toutes les parties de la région présentent des lacunes au chapitre de la représentation féminine. Ainsi, sept municipalités ne comptent aucune femme dans leur conseil. Cet isolement conduit probablement au souhait exprimé par les élues, tant du monde municipal que des autres paliers politiques, d’établir des réseaux entre elles. Pour répondre à ce besoin, les femmes de la région ont créé le Réseau des femmes élues de l’Outaouais (RÉFEO). Par ailleurs, la population autochtone et immigrante est importante sur le territoire. Les femmes de ces groupes devraient donc être encouragées à plus de présence sur la scène municipale.

Les principaux obstacles à l’implication en politique municipale sont la méconnaissance de la démocratie municipale, le manque d’organisation et de soutien, la charge et les horaires de travail et la faible rémunération des élus municipaux. Selon une consultation régionale, une majorité d’élues municipales n’avaient pas d’équipe pour les appuyer lors de leur campagne. Le porte-à-porte figure en première place de leur stratégie de campagne. Les dépliants et les appels téléphoniques suivent. Elles utilisent peu la publicité à la radio, les médias sociaux ou les sites Internet. Certaines élues municipales expriment des difficultés à assurer un équilibre entre leur vie personnelle, professionnelle et politique. Une consultation auprès des élues signale aussi que certaines ont été confrontées à des personnes difficiles et ont vécu des situations empreintes d’agressivité et de sexisme évident. Dans ce cas, l’intervention des pairs et du maire dans les débats aurait été souhaitable.

Zones urbaines et zones rurales

Au-delà de la faiblesse généralisée de la représentation des femmes, on remarque peu de différences entre les secteurs ruraux et urbains. Cependant, les réalités vécues par les élues en milieux ruraux ou urbains présentent des caractéristiques différentes.

Certaines élues en provenance de milieux ruraux se sentent peu outillées par leur conseil. Par exemple, on accorderait peu d’importance à la formation et considérerait de tels frais comme des dépenses excessives. Par ailleurs, les femmes actives en politique municipale composent, en milieu rural, avec un territoire plus vaste exigeant des déplacements. Dans ce milieu où tout le monde se connaît, elles font face à des préjugés et au risque de se faire étiqueter. La parti- cipation à des réseaux sociaux exige davantage d’efforts. De plus, ces postes sont faiblement rémunérés. Par exemple, une jeune mère intéressée à la politique municipale active n’a pas les moyens de faire garder son bébé. En milieu urbain, on met plutôt l’accent sur la complexité des problèmes ou des enjeux; un milieu très hiérarchisé et protocolaire. Les élues de la ville de Gatineau et sa proximité éprouvent plus de difficulté dans leurs relations avec les journalistes et jugent les entrevues difficiles.

Perspective comparée

Les femmes dans les conseils municipaux

Ce sont dans les conseils municipaux que les femmes sont les plus représentées. Leur proportion est près de deux fois plus élevée que celle des femmes à la mairie. Elles n’occupaient en 2011 que 29,1 % des postes au sein des conseils municipaux, ce qui reste loin du seuil de la parité, qu’on fixe habituellement à 40 %. En effet, pour l’atteindre, il manque 754 conseillères municipales dans l’ensemble du Québec.

Les régions de l’Abitibi-Témiscamingue et de la Mauricie obtiennent les meilleurs taux de représentation féminine parmi les régions où il y a un nombre élevé de municipalités. Pour ces régions, il manque moins de 15 conseillères pour atteindre la parité. Dans les autres régions, on constate que les femmes de Laval obtiennent la parité et que celles de la CRÉ de Longueuil ainsi que de la Baie-James en sont très proches.

À l’autre extrême, c’est dans la CRÉ Vallée-du-Haut-Saint-Laurent que les femmes sont le plus loin de la parité, avec un taux de 22,6 % de représentation féminine. Les régions du Saguenay–Lac-Saint-Jean et du Centre-du-Québec se placent aussi en fin de peloton, avec respectivement 24,7 % et 24,4 % de femmes élues. Les régions de Chaudière-Appalaches et de l’Estrie obtiennent un taux de représentation féminine nettement sous la moyenne québécoise. Dans ces régions, le nombre supplémentaire pour atteindre la parité de représentation féminine s’élèverait respectivement à 114 et 76 conseillères.

Les femmes à la mairie

Il manque 266 femmes pour atteindre un taux de féminité de 40 % à la mairie. La CRÉ Vallée-du-Haut-Saint-Laurent et la Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine obtiennent la plus haute proportion de femmes à la mairie au Québec, avec une proportion de 27,7 % et de 25 %. L’Estrie, qui se classe au troisième rang sur le plan de la représentation féminine à la mairie, n’obtient qu’un taux de féminité de 20,7 %. Plusieurs régions comptent moins de 10 % de femmes à la mairie : la Mauricie, l’Outaouais, la Capitale-Nationale et Lanaudière.

Les préfètes

La proportion de préfètes est légèrement plus basse que celles des mairesses. Lorsqu’il y a des femmes, elles sont très souvent isolées : trois régions comptent deux préfètes, six régions en compte une seule et huit, aucune.

Tendance depuis 1993

En 1993, la proportion de mairesses atteignait 7,8 % et celle des conseillères, 18,2 %. La proportion de femmes à la mairie et dans les conseils municipaux augmente en moyenne de 0,5 à 0,7 point de pourcentage par année. À ce rythme, les femmes atteindront le taux de 40 % des conseils municipaux dans 13 ans et dans 31 ans à la mairie. La progression a été plutôt constante au cours des 20 dernières années.

Selon un document du MAMROT3, la proportion de femmes candidates à la mairie et aux postes de conseillers correspond à celle des femmes dans ces instances. Selon les chiffres présentés, il semble que les femmes abandonnent davantage la politique active que les hommes. On ne peut cependant vérifier si une conseillère sortante se présente à la mairie.

Complément d’information

Autres pistes

Facteurs soutenant la progression

Depuis les élections de 2005, il y a eu à travers tout le Québec des augmentations modestes, mais régulières, des postes occupés par des mairesses et des conseillères. Les diminutions ou stagnations sont minimes. C’est une lente, une très lente, mais constante progression. Une série de facteurs expliquent cette ascension.

Premièrement, le fait que plusieurs femmes ont enfin compris que le pouvoir est un outil qui permet de changer les choses et qu’il faut démystifier ce niveau de gouvernance pour l’intérêt supérieur de la collectivité.

Deuxièmement, il faut souligner l’impact du programme À égalité pour décider du Secrétariat à la condition féminine qui a permis à plusieurs tables de concertation et groupes de femmes de développer des projets pour inciter les femmes à poser leurs candidatures, les soutenir dans leurs démarches, leur fournir des outils de travail, leur organiser des activités de mentorat ou de réseautage et les former. Ainsi, plusieurs initiatives ont vu le jour : pièce de théâtre, trousse d’outils, création d’agenda et guide.

Les projets reliés aux ententes spécifiques en matière d’égalité ou en condition féminine, sont également des atouts dans plusieurs régions.

De plus, trois partenaires majeurs ont eu une influence marquante et déterminante pour combler le déficit féminin en politique municipale. D’abord, le Centre de développement femmes et gouvernance (CDFG), avec le Groupe Femmes, Politique et Démocratie (CFPD), a encouragé et soutenu les femmes qui voulaient se présenter avec le volet : l’École Femmes et Démocratie. Ensuite, le comité Femmes et gouvernance de l’Union des municipalités du Québec a organisé, entre autres, une tournée de conférences dans plusieurs régions du Québec. Finalement, la Table des partenaires Femmes et politique municipale du ministère des Affaires municipales, des Régions et de l’Occupation du territoire (MAMROT), qui compte environ une dizaine de représentants de divers organismes, a joué un rôle important lors des différentes élections municipales. En effet, tous ayant le même objectif, soit d’amener plus de femmes en politique, ils ont travaillé sur différentes stratégies concertées.

Il importe donc de travailler au recrutement et à la formation de candidates féminines. Informer et sensibiliser les femmes à l’importance de leur présence dans le milieu de la politique municipale et de leur capacité à y exercer leur leadership demeure l’une des meilleures cartes à jouer.

Autre information

Le Réseau des tables de concertation de femmes du Québec développe, pour les élections de 2013, un plan de communication qui visera, dans une campagne nationale et locale, la promotion de la présence des femmes. Les actions s’amorceront au début de l’année prochaine. L’objectif visé est l’augmentation du nombre de candidatures féminines et de femmes élues. Le logo a déjà été choisi. La personne responsable est madame Carmen Houde (819 758-8282).

  1. FEMMES ET POLITIQUE MUNICIPALE DE L’ESTRIE (2008). « Dans tous les cantons. Une étude sur les femmes en politique dans les petites municipalités de l’Estrie », [en ligne], http://femmespolitiquemunicipale.org/.
  2. BHERER, Laurence et Jean-Pierre COLLIN (2008). La participation et la représentation des femmes au sein des instances démocratiques municipales, Montréal, INRS, Culture, urbanisation et société, Groupe de recherche sur les innovations municipales (GRIM), 67 p.
  3. http://www.electionsmunicipales.gouv.qc.ca/pub/elections/bilan_statistique.pdf