Mémoire sur le projet de loi 60 - Loi visant la modernisation du régime de santé et de sécurité au travail et son application aux domestiques

Ce document est la version HTML accessible du Mémoire sur le projet de loi 60 - Loi visant la modernisation du régime de santé et de sécurité au travail et son application aux domestiques, disponible en format PDF sur le site Web du Conseil du statut de la femme.

Table des matières

Introduction

Le Conseil du statut de la femme (le Conseil) se préoccupe depuis longtemps des conditions des travailleuses domestiques1. Pour lui, les travailleuses domestiques doivent bénéficier des mêmes droits que les autres travailleurs québécois. Or, à ce jour, ces travailleuses sont toujours spécifiquement exclues de la protection automatique de la « Loi sur les accidents de travail et les maladies professionnelles » (ci-après, LATMP) du régime de santé et de sécurité du travail au Québec. Le projet de loi no 60, « Loi visant principalement la modernisation du régime de santé et de sécurité du travail et son application aux domestiques » (ci-après, projet de loi no 60)2, a été déposé par la ministre du Travail en avril 2012. Ce projet de loi no 60 vient modifier, entre autres, le régime de santé et de sécurité québécois concernant le travail domestique.

Conformément à la mission du Conseil, le présent mémoire portera sur les dispositions du projet de loi no 60 relatives au travail domestique. Bien que la LATMP et le projet de loi no 60 utilisent l’expression « domestique », on retrouvera l’expression « travailleuses et travailleurs domestiques » dans le présent mémoire pour les désigner, conformément à l’appellation de la convention internationale sur le travail domestique adoptée récemment. Par ailleurs, le texte utilisera également l’expression « travailleuse domestique », lorsque le contexte s’y prête, considérant que ce travail est principalement exécuté par des femmes.

Le Conseil était en attente du dépôt d’un projet de loi concernant la protection des travailleuses domestiques, et ce, depuis la mort au feuilleton du projet de loi no 110, « Loi modifiant le régime de santé et de sécurité du travail pour accorder une plus grande protection à certains domestiques » (ci-après, projet de loi no 110) qui avait été présenté par le ministre du Travail, en juin 2010.

Le Conseil accueille positivement le projet de loi no 60, bien qu’il recommande que certaines améliorations soient apportées au texte. Le Conseil reconnaît que l’adoption de ce projet de loi va améliorer les conditions de santé et de sécurité du travail pour une partie des travailleuses domestiques.

Le travail domestique est majoritairement effectué par des femmes. La majorité des travailleuses domestiques sont des femmes immigrantes qui accomplissent ce travail dans des conditions particulièrement difficiles. Cette occupation est sous-évaluée et plusieurs femmes immigrantes sont placées dans des situations de grande vulnérabilité en raison, entre autres, de leur isolement et de leur dépendance envers l’employeur3.

Bien qu’il n’existe pas de recensement officiel sur le travail domestique, l’Association des aides familiales du Québec (AAFQ) a évalué que 97 % des personnes qui font ce travail sont des femmes, 10 % résident chez leurs employeurs, 80 % sont originaires de différents pays et 20 % sont d’origine québécoise. Il a également été estimé que le nombre de personnes participantes au Programme des aides familiaux résidants (PAFR) était de 4 188 en 2007, 97 % des participants étant des femmes et 91,4 % en provenance des Philippines4.

Le PAFR est un programme d’immigration canadien par lequel les personnes sont engagées pour effectuer du travail domestique au domicile d’un particulier avec l’obligation d’y résider. L’obligation de résidence entraîne souvent des conditions de travail difficiles pour ces travailleuses telles que l’allongement des heures de travail, leur soumission à l’employeur ainsi que d’autres contraintes physiques et émotives.

Il existe d’autres catégories de travail domestique au Québec5 :

« Il importe aussi de connaître les diverses catégories d’ouvrières dans le secteur des services d’aide à domicile puisque toutes n’ont pas accès aux mêmes protections. Certaines, considérées comme des travailleuses aux yeux de la LATMP, reçoivent effectivement une couverture adéquate, mais ce n’est pas le cas de toutes les aides domestiques. Louise Boivin et Rolande Pinard proposent une hiérarchisation des catégories en fonction du niveau de salaire et de la protection sociale rattachée à l’emploi que nous reprenons ici. Tout en haut, il y a : 1) les travailleuses à l’emploi des centres locaux de services communautaires (CLSC) appelées aussi auxiliaires familiales et sociales, 2) les travailleuses à l’emploi des entreprises d’économie sociale en aide domestique, 3) les travailleuses à l’emploi des agences privées, 4) les travailleuses embauchées dans le cadre du programme du chèque emploi-service, 5) les travailleuses embauchées de gré à gré et souvent “au noir” et 6) les travailleuses venues au Canada dans le cadre du PAFR. »

« En reprenant les principales catégories d’ouvrières dans le secteur des services d’aide à domicile, nous voyons que les femmes accomplissant du travail domestique ne reçoivent pas toutes la même protection en vertu de la LATMP. Celles travaillant à l’emploi des CLSC ou des entreprises d’économie sociale sont assurées d’une protection adéquate puisque leur employeur paie les cotisations à la CSST. Les travailleuses à l’emploi d’agence privée sont, dans plusieurs cas, couvertes par la LATMP, à condition que l’agence soit considérée comme leur employeur. Mais dans certains cas, elles seront plutôt reconnues comme des travailleuses autonomes ou comme embauchées par le particulier recevant les services à domicile et donc non protégées par la Loi. Celles engagées dans le cadre du programme chèque emploi-service se voient protégées, depuis 2002, par la Loi puisque le “ministère de la Santé et des Services sociaux assume les obligations prévues pour un employeur”. Les ouvrières engagées de gré à gré par un particulier effectuent le plus souvent des tâches ménagères de toutes sortes et sont le plus souvent exclues de la protection de la LATMP. Finalement, celles venues au Canada dans le cadre du PAFR sont considérées exclues des protections de la Loi puisqu’elles sont engagées pour habiter et effectuer des tâches ménagères ou de garde au domicile du particulier. La différence entre les travailleuses domestiques protégées et celles qui sont exclues? Les premières ont une personne morale comme employeur6. »

Le projet de loi no 60 viendra protéger partiellement certaines de ces travailleuses en cas de lésions professionnelles. En effet, ce projet de loi indique qu’il « assure la protection automatique du régime de santé et de sécurité pour tous les domestiques, à l’exception de ceux qui exécutent un travail sporadiquement ou de courte durée ». Donc, les travailleuses domestiques effectuant un travail sporadique ou de courte durée seront exclues de la protection des deux lois, la LATMP et la Loi sur la santé et la sécurité du travail (ci-après, LSST). Mais ces dernières pourront payer une cotisation afin d’être couvertes par la LATMP et être indemnisées à la suite d’un accident ou d’une maladie professionnelle qui les empêcheraient de travailler.

Afin de situer le contexte dans lequel s’inscrit le projet de loi, le chapitre premier de ce mémoire présente un bref historique des démarches administratives et législatives visant la couverture automatique des travailleuses et travailleurs domestiques au régime de santé et de sécurité du Québec. Au chapitre second, le mémoire aborde les développements récents au niveau de normes internationales concernant le travail domestique. En lien avec ces normes internationales, les deux derniers chapitres feront l’analyse des dispositions du projet de loi no 60, concernant le travail domestique, qui viendront modifier les lois relatives au régime de santé et de sécurité du travail ainsi que les aspects qui soulèvent certains questionnements aux yeux du Conseil.

Chapitre I
Historique du dossier relatif aux travailleuses domestiques

Les étapes importantes du dossier sont ici brièvement rappelées afin de situer le contexte du projet de loi no 60. Le 4 juin 2010, le ministre du Travail a présenté le projet de loi no 110, « Loi modifiant le régime de santé et de sécurité du travail pour accorder une plus grande protection à certains domestiques ». Le Conseil du statut de la femme a déposé un mémoire dans lequel il a conclu que le projet de loi no 110 était discriminatoire envers les travailleuses domestiques, qui sont majoritairement des femmes, car il imposait des critères d’admissibilité qui ne sont imposés à aucun autre groupe de travailleurs automatiquement couverts par le régime de santé et de sécurité du travail. La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ), qui a déposé des commentaires sur le projet de loi no 110, arrivait aux mêmes conclusions que le Conseil. Le projet de loi no 110 est mort au feuilleton.

Le 8 avril 2011, le Conseil du patronat du Québec (CPQ) a rendu public un avis juridique opposé à un avis de la CDPDJ7 qui avait démontré que l’exclusion des travailleuses domestiques du régime de santé et de sécurité du travail est discriminatoire et contraire à la Charte des droits et libertés de la personne. En effet, cet avis juridique du CPQ est venu dire essentiellement que la CDPDJ avait erré dans son avis de 2008 et que l’exclusion des travailleuses domestiques n’était pas discriminatoire. Rappelons que, la CDPDJ avait publié cet avis à la suite d’une demande faite par des organismes et associations de protection des droits des travailleuses et travailleurs domestiques afin qu’elle prenne position et statue sur le caractère discriminatoire de l’exclusion du « domestique » de la définition de travailleur dans la LATMP.

Par voie de communiqués de presse, le Conseil et la CDPDJ ont contesté publiquement, le 20 avril 2011, la justesse et les conclusions de l’avis juridique du CPQ. Ces deux organismes ont alors réitéré, que l’exclusion du travail domestique du régime de santé et de sécurité au travail est discriminatoire envers les femmes. Le Conseil a aussi ajouté qu’il souhaitait que le gouvernement dépose un nouveau projet de loi visant à protéger tous les travailleurs québécois, sans exclure les travailleuses domestiques. Le Conseil a également déploré que le CPQ se positionne contre l’égalité entre les femmes et les hommes.

Avant la publication de son communiqué de presse, la CDPDJ a transmis, le 19 avril 2011, ses commentaires à la ministre du Travail pour préciser que l’opinion du CPQ était inexacte tout en ajoutant qu’il était urgent pour le gouvernement de déposer un nouveau projet de loi en remplacement du projet de loi no 110, mort au feuilleton.

Le 10 juin 2011, le Conseil du statut de la femme a fait parvenir un avis juridique à la CDPDJ ainsi qu’à la ministre du Travail. Selon cet avis, produit pour le Conseil par M. Henri Brun, professeur de droit constitutionnel à l’Université Laval, l’exclusion des aides domestique du régime de santé et de sécurité du travail est inconstitutionnelle et discriminatoire.

Le 8 juillet 2011, la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST) a transmis au Conseil un tableau présentant différents scénarios de couverture des travailleuses et travailleurs domestiques pour obtenir ses commentaires afin de préparer un projet de mémoire et un nouveau projet de loi. Le Conseil tient à souligner son appréciation d’avoir été consulté à ce sujet avant le dépôt du projet de loi no 60.

Le Conseil a répondu à la CSST, le 21 juillet 2011, en indiquant qu’il privilégiait le scénario de couverture basé sur la Loi sur les normes du travail (LNT), car il s’agit de la seule proposition qui ne serait pas discriminatoire envers les travailleuses domestiques. Pour le Conseil, l’unique restriction à une couverture automatique au régime de santé et sécurité du travail qui pourrait être jugée raisonnable, sous réserve de précisions ultérieures après une analyse des textes, serait l’exclusion des travailleuses qui exercent cette occupation de façon très ponctuelle. La CDPDJ, également appelée à se prononcer à la demande de la CSST, a retenu le même scénario basé sur la LNT.

De plus, dans sa lettre de juillet 2011, le Conseil a souligné à la CSST que l’Organisation internationale du Travail (OIT) a adopté en juin 2011, à Genève, une convention internationale stipulant que tout membre doit prendre les mesures en vue d’assurer l’égalité de traitement entre les travailleuses et travailleurs domestiques et l’ensemble des travailleurs. Il doit également prendre les mesures effectives afin d’assurer la santé et la sécurité au travail des travailleuses et travailleurs domestiques.

En mars 2012, la CSST a souhaité rencontrer le Conseil afin de recueillir son avis et lui demander un accord de principe sur les principaux aspects du nouveau projet qui allait remplacer le projet de loi no 110, quelques jours avant sa présentation à la ministre du Travail. La CSST a alors présenté verbalement au Conseil, les principales dispositions du nouveau projet de loi concernant les travailleuses domestiques, notamment la notion d’exclusion pour le travail sporadique et de courte durée. Malgré certaines réserves et certains questionnements au sujet de la notion d’exclusion pour le travail de courte durée, le Conseil a jugé opportun de donner son accord de principe aux grandes lignes du projet de loi, étant donné qu’il représentait une amélioration par rapport au statu quo. Toutefois, le Conseil a précisé à la CSST qu’il ne se prononcerait officiellement qu’après le dépôt officiel et la lecture des articles du projet de loi.

Ce travail de collaboration entre les divers intervenants mérite donc d’être souligné, car il a favorisé l’avancement de la démarche visant l’obtention d’une plus grande protection pour les travailleuses domestiques.

Afin de pouvoir analyser les modifications prévues au projet de loi sous étude, le prochain chapitre s’attarde à la convention internationale adoptée récemment, car elle établit des principes importants concernant le travail domestique.

Chapitre II
La convention internationale concernant le travail décent pour les travailleuses et les travailleurs domestiques et la recommandation qui l’accompagne

L’Organisation internationale du Travail (OIT) a reconnu récemment le statut officiel du travail domestique en adoptant une convention internationale sur le travail décent pour les travailleuses et les travailleurs domestiques.

Plus précisément, l’OIT a adopté à Genève, le 16 juin 2011, la Convention no 189 intitulée « Convention concernant le travail décent pour les travailleuses et les travailleurs domestiques » ainsi que la Recommandation no 201 intitulée « Recommandation concernant le travail décent pour les travailleuses et les travailleurs domestiques » dont les dispositions complètent ladite convention8. Le gouvernement du Canada s’est engagé à ratifier la Convention et à travailler de concert avec les provinces et les territoires en ce sens9.

En résumé, la Convention vient reconnaître plusieurs droits fondamentaux pour les travailleuses et travailleurs domestiques. Concernant la protection en santé et sécurité du travail, elle stipule que tout membre doit prendre les mesures en vue d’assurer l’égalité de traitement entre les travailleuses et travailleurs domestiques et l’ensemble des travailleurs. De plus, elle prévoit que le membre doit prendre les mesures effectives afin d’assurer la santé et la sécurité au travail des travailleuses et travailleurs domestiques.

Le Conseil se réjouit de l’adoption de cette convention qui vient non seulement reconnaître le travail domestique mais également prévoir des droits afin d’assurer la protection de ces travailleuses et travailleurs.

La féminisation

Il importe de souligner que le titre de cette convention internationale et celui de la recommandation qui l’accompagne, ont été féminisés pour la première fois dans l’histoire de l’OIT afin de reconnaître l’importance du travail domestique et le fait qu’il est principalement effectué par des femmes. Ce précédent historique est résultat d’un travail important effectué par un groupe de travail ad hoc du Québec sur la promotion du travail décent des travailleuses domestiques, mis en place par l’AAFQ, qui représentait le Canada au sein de l’OIT. Pour le Conseil, le législateur québécois doit s’inspirer de ce précédent et féminiser le titre du projet de loi no 60.

De plus, le Conseil a recommandé10, dans le mémoire sur le projet de loi no 110, que le gouvernement abandonne l’utilisation du terme « domestiques » lorsqu’il réfère aux travailleuses domestiques. Le Conseil a mentionné que ce terme est dévalorisant pour le métier et qu’il laisse entendre un assujettissement de la travailleuse envers son employeur. Le Conseil réitère cette observation.

Par ailleurs, les nombreux pays membres de l’OIT se sont entendus sur la nécessité de féminiser le titre de la convention internationale afin de reconnaître qu’à travers le monde, le travail domestique est majoritairement effectué par des femmes; la féminisation du texte vient ainsi reconnaître la contribution importante de ces femmes dans le monde du travail.

Par conséquent, le Conseil du statut de la femme recommande :

  1. Que soit féminisé le titre du projet de loi no 60 afin de se conformer à la convention internationale et de reconnaître que le travail domestique est effectué majoritairement par des femmes. Que soit remplacé le terme« domestiques » par « travailleuses et travailleurs domestiques » afin de reconnaître la valeur de ce travail.

    Ainsi, le projet de loi no 60 devrait être renommé : « Loi visant principalement la modernisation du régime de santé et de sécurité du travail et son application aux travailleuses et travailleurs domestiques ».

Les principales dispositions concernant la santé et la sécurité du travail

Dans un premier temps, les principes de base adoptés dans la convention internationale seront énoncés afin de pouvoir les analyser, au prochain chapitre, en lien avec le projet de loi no 60.

L’article premier de la convention internationale énonce les définitions principales et il se lit comme suit :

« Aux fins de la présente convention :

  1. l’expression “travail domestique” désigne le travail effectué au sein de ou pour un ou plusieurs ménages;

  2. l’expression “travailleur domestique” désigne toute personne de genre féminin ou masculin exécutant un travail domestique dans le cadre d’une relation de travail;

  3. une personne qui effectue un travail domestique seulement de manière occasionnelle ou sporadique sans en faire sa profession n’est pas un travailleur domestique. »

L’article 13 de la convention précise les normes en matière de santé et de sécurité du travail :

  1. « Tout travailleur domestique a droit à un environnement de travail sûr et salubre. Tout Membre doit prendre, conformément à la législation et à la pratique nationales, des mesures effectives en tenant dûment compte des caractéristiques particulières du travail domestique, afin d’assurer la sécurité et la santé au travail des travailleurs domestiques.

  2. Les mesures visées au paragraphe précédent peuvent être appliquées progressivement en consultation avec les organisations d’employeurs et de travailleurs les plus représentatives et, lorsqu’elles existent, avec les organisations représentatives de travailleurs domestiques et celles d’employeurs de travailleurs domestiques. »

En lien avec la première recommandation de ce mémoire, le Conseil du statut de la femme recommande :

  1. Que l’expression « domestique » (dans la définition à l’article 1, par. 1, du projet de loi no 60) soit remplacée par l’expression « travailleur domestique », conformément à l’article 1 b) de la convention internationale, et que la définition soit modifiée comme suit : « toute personne de genre féminin ou masculin » en remplacement de « une personne physique ».

Dans la Recommandation no 201 qui accompagne la convention internationale, l’article 19 prévoit que :

« Les Membres devraient, en consultation avec les organisations d’employeurs et de travailleurs les plus représentatives et, lorsqu’elles existent, avec les organisations représentatives des travailleurs domestiques et celles des employeurs de travailleurs domestiques, prendre des mesures visant notamment à :

  1. protéger les travailleurs domestiques en éliminant ou en réduisant au minimum, dans la mesure où cela est raisonnablement et pratiquement réalisable, les risques et dangers liés au travail, afin de prévenir les accidents, les maladies et décès et de promouvoir la sécurité et la santé au travail au sein du domicile qui constitue le lieu de travail;

  2. établir un système d’inspection suffisant et approprié, conformément à l’article 17 de la convention, et des sanctions adéquates en cas de violation de la législation relative à la sécurité et à la santé au travail;

  3. établir des procédures pour la collecte et la publication de statistiques sur les accidents et les maladies liés au travail domestique, ainsi que d’autres statistiques considérées comme contribuant à la prévention des risques et des accidents dans le cadre de la sécurité et la santé au travail;

  4. dispenser des conseils concernant la sécurité et la santé au travail, y compris sur les aspects ergonomiques et les équipements de protection;

  5. élaborer des programmes de formation et diffuser des orientations relatives aux exigences de sécurité et de santé au travail spécifiques au travail domestique. »

Cet article de la Recommandation prévoit donc d’importantes mesures de prévention des accidents de travail et maladies professionnelles qui sont analysées dans le chapitre sur la LSST.

La Convention ainsi que la Recommandation comprennent d’autres articles importants concernant le travail domestique. Toutefois, le projet de loi no 60 est ici analysé en lien avec ces principales dispositions internationales. Les prochains chapitres traitent donc, respectivement, des changements à la LATMP et la LSST, soit les deux lois qui seront modifiées par le projet de loi no 60.

Chapitre III
Les modifications à la loi sur les accidents de travail et les maladies professionnelles

Cette loi vise la réparation des lésions professionnelles, ce qui réfère au versement d’un revenu pendant l’incapacité de travailler résultant d’un accident ou d’une maladie reliée au travail. Selon son principe de base, qui s’applique à la majorité des travailleuses et travailleurs québécois, les employeurs doivent payer une cotisation pour assurer les travailleurs.

Actuellement, les travailleuses domestiques qui sont engagées par un « particulier » sont exclues de la définition de « travailleur » et, de ce fait, de la protection automatique de la Loi advenant une lésion professionnelle. La Loi prévoit que le travail domestique effectué dans le logement d’un particulier est exclu de la protection, car il n’est pas considéré comme étant fait chez un employeur, dans un établissement. Ce particulier n’est pas reconnu comme un employeur qui doit payer des cotisations, contrairement aux autres employeurs du Québec. Autrement dit, la catégorie de travailleuses domestiques engagées pour exécuter leur travail dans le logement d’une personne physique n’a aucune protection automatique, car elle est spécifiquement exclue dans la Loi.

Le changement majeur qu’apportera le projet de loi no 60 pour cette catégorie de travailleuses domestiques, qui exécutent leurs tâches dans le logement d’un particulier11, est le suivant : ce travail domestique sera désormais considéré comme automatiquement couvert, sauf exceptions. Les exceptions visent la travailleuse domestique qui exerce sa fonction sporadiquement ou de courte durée12. Toutefois, le projet de loi prévoit que celle-ci pourra s’inscrire par elle-même et payer une cotisation afin d’être couverte et recevoir des indemnités en cas de lésion professionnelle.

Cette section présente donc l’analyse des principaux changements prévus à la LATMP, concernant les travailleuses domestiques, qui ont retenu l’attention du Conseil.

Exclusion des travailleuses domestiques effectuant un travail sporadique

Le Conseil évalue que l’exclusion de la protection automatique du travail sporadique constitue une restriction conforme à la convention internationale. En effet, comme indiqué précédemment au point 2.2., la convention internationale édicte, à l’article 1 c), « qu’une personne qui effectue un travail domestique seulement de manière occasionnelle ou sporadique sans en faire sa profession n’est pas un travailleur domestique ». Cette restriction est d’ailleurs conforme au scénario retenu par le Conseil lors de la consultation préalable au dépôt du projet de loi no 60.

Selon le Conseil, cette restriction permettrait à elle seule de répondre à l’objectif présumé du législateur de ne pas couvrir automatiquement la « gardienne d’enfants » ou le jeune voisin engagé pour déneiger le terrain à l’occasion13. En effet, ces situations répondent à la notion de travail sporadique. L’ajout, au projet de loi, de l’exclusion du travail de courte durée ne s’avère donc pas nécessaire si l’objectif du législateur consiste à ne pas couvrir ce type de situations.

Afin de s’assurer que ces cas ne soient pas couverts par le projet de loi, le Conseil du statut de la femme recommande :

  1. Que le projet de loi précise et ajoute, dans la définition du travail domestique14, que la personne qui effectue un travail sporadiquement sans en faire sa profession n’est pas un travailleur domestique, conformément à la définition à l’article 1 c) de la convention internationale mentionnée précédemment.

Exclusion des travailleuses domestiques effectuant un travail de courte durée

Le Conseil s’interroge sur l’impact de la disposition du projet de loi no 60 qui prévoit exclure le travail domestique de courte durée de la couverture automatique au régime de santé et de sécurité québécois.

Dans un premier temps, ce concept de courte durée ne se retrouve pas dans la convention internationale concernant le travail domestique, laquelle réfère plutôt au concept de travail occasionnel ou sporadique.

Cette notion de courte durée existe actuellement pour exclure certains travailleurs autonomes qui ne peuvent être considérés comme étant des travailleurs couverts par la LATMP15. Selon les règles d’interprétation et d’application de la CSST, basées sur la jurisprudence, un travailleur autonome qui effectue en moyenne moins de huit heures par semaine (ou moins de 420 heures par année) est considéré comme un travailleur autonome non-couvert car il effectue un travail de courte durée. À contrario, le travailleur autonome qui fait plus de 420 heures par année est considéré comme un travailleur bénéficiant de la couverture automatique de la LATMP 16.

Par conséquent, les travailleuses domestiques dont le travail répond aux critères de courte durée seront considérées, avec le projet de loi no 60, comme des travailleuses autonomes qui devront payer pour s’inscrire afin d’être protégées par le régime de santé et de sécurité du travail. Or, comme indiqué dans le mémoire du Conseil sur le projet de loi no 110, à la page 18 : « …les coûts et la démarche administrative représentent des obstacles suffisants pour décourager les travailleuses domestiques à s’inscrire par elles- mêmes à la CSST ». À la même page dudit mémoire, il est précisé :

« De même, cotiser à la CSST représente certainement un fardeau financier pour des travailleuses payées au salaire minimum. Selon l’exemple proposé par la CDPDJ et provenant d’une étude de Condition féminine Canada produite en 2002, il en coûterait 730 $ annuellement à une travailleuse domestique afin de s’assurer pour le montant de 14 092 $ (son salaire annuel brut). En cas de lésion au sens de la LATMP, elle toucherait 90 % de son salaire net ».

Par ailleurs, le Conseil s’est interrogé sur l’interprétation donnée par le gouvernement, à la suite du dépôt du projet de loi no 60, selon laquelle seul le travail domestique effectué à temps plein pour un même employeur sera automatiquement couvert par la protection de la LATMP et que les autres travailleuses domestiques ayant « choisi » de travailler pour plus d’un employeur seront automatiquement considérées comme des travailleuses autonomes non couvertes17.

Si tel était le cas, pourquoi cette notion d’exclusion pour le travail de courte durée aurait-elle été inscrite dans le projet de loi? Cette interprétation ne nous semble pas correspondre avec le texte du projet de loi et la jurisprudence relative à la notion de « courte durée ». Transformons notre interrogation en deux exemples : 1) Quelle serait la couverture pour les travailleuses domestiques qui exercent leur activité pendant plus de 420 heures par année civile, mais qui ne travaillent pas à temps plein pour cet employeur? 2) Quelle serait la couverture pour les travailleuses qui exercent leur activité à raison de plus de 420 heures pour un employeur, en plus d’exercer leur fonction pendant plus de 420 heures pour un autre employeur? Selon la notion de « courte durée », les travailleuses dans ces deux situations devraient être couvertes automatiquement bien qu’elles ne travaillent pas à « temps plein pour un même employeur ».

Selon les précisions obtenues de la CSST, le travail domestique qui sera automatiquement couvert est celui qui sera effectué sur une base régulière pour le même employeur. Ceci ne veut pas dire que cette travailleuse doive travailler à temps plein pour un seul employeur. Il s’agit plutôt d’une définition qui réfère aux critères établis selon lesquels le travail doit être, en moyenne, de plus de 420 heures par année civile, pour un employeur, pour ne pas être considéré de courte durée. Donc, si la travailleuse domestique effectue, en plus d’un premier travail de plus de 420 heures pour un employeur, une prestation de travail de plus de 420 heures pour un autre employeur, ce travail sera également automatiquement couvert par la LATMP. Les deux employeurs distincts de cette travailleuse domestique auront l’obligation légale de s’inscrire à la CSST. Ces explications de la CSST, qui avaient également été communiquées lors de la rencontre préalable à l’accord de principe du Conseil, viennent confirmer notre compréhension des dispositions actuelles du projet de loi no 60.

Le Conseil considère que la situation pour les travailleuses, qui n’exécutent pas un travail de courte durée et qui n’exercent pas leur activité à temps plein pour un même employeur, doit être confirmée par le gouvernement afin de clarifier l’application de ce critère d’exclusion et d’enlever tout doute ou interprétation possible. En effet, bien qu’il existe des critères concernant la notion de « courte durée » pour le travail autonome (art. 9 LATMP), il importe que cette interprétation soit clarifiée lors de l’adoption du projet de loi et, également, dans le projet de loi afin de ne pas laisser d’ambigüités qui pourraient entraîner des conséquences importantes pour les travailleuses domestiques. Ces doutes pourraient mener à l’application de critères plus stricts et à l’exclusion d’un plus grand nombre de travailleuses domestiques.

Si l’interprétation donnée par la CSST est confirmée par le gouvernement, advenant le maintien du critère d’exclusion du travail de courte durée, le Conseil considérera que la convention internationale, qui stipule que le travail domestique peut se faire pour un ou plusieurs ménages, serait en partie respectée. Mais ce critère de courte durée dans le projet de loi no 60 va tout de même exclure le travail domestique de moins de 420 heures par année pour un employeur.

Par contre, si l’interprétation donnée à la suite du dépôt du projet de loi par le gouvernement est maintenue, le Conseil estimera alors que l’assujettissement du travail domestique au critère d’exclusion de courte durée, dès qu’il est exercé simultanément pour plus d’un employeur, ne s’avère pas conforme à l’esprit de la convention internationale qui prévoit que ce travail peut se faire pour un ou plusieurs ménages.

Par ailleurs, peut-on vraiment considérer les travailleuses domestiques comme des travailleuses autonomes, dès qu’elles effectuent un travail de courte durée, et les soumettre à ce critère d’exclusion applicable aux travailleurs autonomes?

La LATMP définit le travailleur autonome à l’article 2 comme suit : une personne physique qui fait affaires pour son propre compte, seule ou en société, et qui n’a pas de travailleur à son emploi. Dans la LNT, le travailleur domestique est défini comme un salarié employé par une personne physique et dont la fonction principale est d’effectuer des travaux ménagers dans le logement de cette personne. Cette dernière loi précise également qu’un salarié est une personne qui travaille pour un employeur et qu’elle s’oblige, en vertu du contrat de travail, à exécuter un travail déterminé selon les méthodes et les moyens déterminés par l’employeur.

Les critères de la jurisprudence précisent que les caractéristiques du contrat conclu avec la personne physique déterminent le statut de ce travailleur. S’il s’agit d’un contrat de travail, la personne physique est considérée comme étant un travailleur couvert au sens de la LATMP. Par ailleurs, s’il s’agit d’un contrat d’entreprise, la Loi considère alors que la personne est un travailleur autonome. Plusieurs autres critères, dont le niveau de subordination, doivent être examinés au cas par cas afin de déterminer si on est en présence d’un travailleur autonome ou non. Or, la LNT reconnaît clairement le lien de subordination de la travailleuse domestique envers l’employeur. Ainsi, le Conseil estime que l’application du critère d’exclusion de courte durée au travail domestique, exclusion actuellement applicable aux travailleurs autonomes, soulève certains questionnements.

En conclusion, considérant qu’il n’existe aucun recensement officiel concernant le travail domestique18, il s’avère impossible d’évaluer le nombre de personnes qui seront exclues par cette disposition relative au travail de courte durée ou les impacts de cette exclusion sur les travailleuses domestiques. L’interprétation selon laquelle la travailleuse n’est pas automatiquement couverte dès qu’elle a plus d’un employeur ou si elle ne travaille pas à temps plein pour le même employeur, suscite également des questionnements.

Par conséquent, le Conseil du statut de la femme recommande :

  1. Que le gouvernement examine la possibilité de retirer du projet de loi le critère d’exclusion de « courte durée » pour la travailleuse et le travailleur domestique, considérant la recommandation 3 de ce mémoire. Que la seule restriction à la protection et à la couverture automatique de la LATMP soit le travail sporadique, conformément à la convention internationale.

  2. Advenant le maintien du critère d’exclusion de « courte durée » pour le travail domestique, que le gouvernement précise que cette notion réfère aux critères d’application déjà établis pour le travail autonome. Qu’il soit clairement indiqué que les travailleuses et les travailleurs domestiques qui n’effectuent pas un travail de courte durée seront considérés automatiquement couverts par la LATMP, conformément aux critères d’interprétation et d’application établis.

  3. Advenant l’adoption du projet de loi avec le maintien de la notion de « courte durée », que le gouvernement procède à une évaluation d’impact de cette exclusion spécifique pour les travailleuses et travailleurs domestiques afin de s’assurer que cette disposition n’ait pas d’effet discriminatoire envers ces travailleuses et travailleurs19.

Autre disposition applicable aux travailleuses domestiques

Un autre aspect important du projet de loi no 60 est le principe de non-réintégration applicable aux travailleuses domestiques congédiées.

On précise que, dans le cas du congédiement d’une travailleuse domestique, la CSST ne peut ordonner à l’employeur de la réintégrer20. Il s’agit de la même disposition qui se trouvait dans le projet de loi no 110. Cette impossibilité d’ordonner la réintégration d’une travailleuse domestique permettrait à l’employeur de congédier cette dernière, en raison d’un accident de travail et la réclamation d’indemnités, puisqu’elle ne pourrait légalement être réintégrée au travail. La situation pourrait être encore plus dévastatrice pour les aides familiales résidentes, car elles perdraient leur permis de travail. Elles seraient dans l’obligation de se retrouver un employeur, ce qui pourrait mettre en péril l’obtention de la résidence permanente21.

Afin d’éviter que la travailleuse domestique ne subisse un congédiement en raison d’une lésion professionnelle 22 et pour assurer une compensation adéquate si la réintégration ne peut être ordonnée, le Conseil du statut de la femme réitère sa position déjà énoncée dans le mémoire sur le projet de loi no 110 et recommande :

  1. Que le gouvernement retire cette disposition du projet de loi afin que la CSST conserve la possibilité d’ordonner la réintégration à l’emploi de la travailleuse ou travailleur victime d’un congédiement illégal ou sans cause juste et suffisante.

  2. Que, dans les cas où la réintégration s’avère impossible, le projet de loi prévoit la possibilité d’ordonner le versement d’une indemnité additionnelle en plus de la pleine compensation prévue dans la Loi sur les accidents de travail et les maladies professionnelles.

L’indemnité additionnelle pour non-réintégration permettrait de pallier à des difficultés inhérentes au changement d’employeur pour les travailleuses domestiques. À titre d’exemple, mentionnons les frais à payer et les délais pour l’obtention d’un nouveau permis de travail, tant au provincial qu’au fédéral, pour les travailleuses domestiques inscrites au PAFR.

Chapitre IV
La loi sur la santé et la sécurité du travail

Dans la LSST actuelle, il n’existe aucune disposition ou exclusion spécifique concernant la travailleuse ou le travailleur domestique. Cette loi d’ordre public s’applique à tous les travailleurs.

Or, le projet de loi no 60 prévoit l’exclusion de la travailleuse domestique qui exerce sa fonction de façon sporadique ou de courte durée dans la définition du travailleur de la LSST.

Le Conseil évalue que l’exclusion, dans le projet de loi no 60, du travail domestique effectué sporadiquement est conforme à la convention internationale23.

Toutefois, l’exclusion explicite, dans la LSST, de la travailleuse domestique qui effectue un travail de courte durée aura pour effet d’enlever la protection aux travailleuses domestiques qui sont actuellement couvertes par la Loi. Cette exclusion dans la LSST constitue un recul par rapport au statu quo.

En effet, selon des décisions de la Commission des lésions professionnelles (CLP), la LSST s’applique à toutes les travailleuses domestiques. De plus, la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles (CALP) a jugé que les travailleuses domestiques ont droit au retrait préventif prévu dans la LSST.

Par conséquent, le Conseil s’interroge sérieusement sur la nouvelle définition du travailleur dans la LSST, comme prévu au projet de loi no 60, car elle va avoir comme conséquence d’exclure la travailleuse domestique exécutant un travail de courte durée du droit au retrait préventif de la travailleuse enceinte. Cette préoccupation avait été soulignée dans notre mémoire sur le projet de loi no 110, car ce dernier prévoyait la même exclusion24.

En effet, la LSST s’applique actuellement à tous les travailleurs, même le travailleur autonome.. L’article premier de la LSST définit le travailleur comme « une personne qui exécute, en vertu d’un contrat de travail ou d’un contrat d’apprentissage, même sans rémunération, un travail pour un employeur, y compris un étudiant dans les cas déterminés par règlement ».

On prévoit, dans cette définition, deux exceptions à la définition de travailleur couvert par la Loi : la personne qui représente l’employeur (ex. : gérant, surintendant, représentant de l’employeur dans ses relations avec les travailleurs) et l’administrateur ou dirigeant d’une personne morale.

Le projet de loi no 60 vient ajouter, comme troisième exception dans la définition du travailleur, le domestique qui exerce sa fonction sporadiquement ou de courte durée.

Pour le Conseil, il est étonnant que le législateur puisse avancer qu’une travailleuse domestique exerçant sa fonction de courte durée ne soit plus considérée comme une travailleuse ayant droit, comme tous les autres travailleurs québécois, à la protection de la loi visant la prévention des lésions professionnelles. Les travailleuses domestiques ainsi que l’employeur et ses représentants seraient donc les seuls à être explicitement exclus de la définition de travailleur dans la LSST. De plus, les jardinières et jardiniers ou les chauffeuses et chauffeurs, autrefois complètement assujettis à la Loi, se feront maintenant imposer cette nouvelle condition d’éligibilité, car ils seraient maintenant considérés comme des travailleuses ou travailleurs domestiques, selon les explications du gouvernement, à la suite du dépôt du projet de loi.

Par conséquent, le Conseil du statut de la femme recommande :

  1. Que la seule exclusion à la définition de travailleur, dans la Loi sur la santé et la sécurité du travail, soit pour la travailleuse ou le travailleur domestique qui exerce sa fonction sporadiquement, conformément à la convention internationale.

Par ailleurs, le Conseil estime que l’article prévoyant l’obligation pour l’employeur de tenir un registre des accidents de travail devrait être applicable également pour l’employeur d’une travailleuse domestique25.

En effet, la tenue de ce registre pour les employeurs s’inscrit dans les mesures préventives qui sont indiquées à l’article 19 de la Recommandation no 201 citée à la page 12 de ce mémoire. En effet, comment peut-on mettre en œuvre des mesures préventives sans la tenue d’un registre des accidents de travail qui permet d’identifier, de colliger et de corriger les risques présents au travail?

À cet égard, le Conseil recommande :

  1. Que le projet de loi no 60 soit modifié afin que l’obligation de tenir un registre d’accidents soit appliquée pour le travail domestique et que le gouvernement procède également à des évaluations rétroactives régulières, à la suite de l’adoption du projet de loi, et ce, afin que toutes les mesures nécessaires soient progressivement mises en place et inscrites dans les lois québécoises pour assurer l’atteinte de l’égalité réelle pour ces travailleuses et travailleurs conformément aux textes internationaux (Convention no 189 et Recommandation no 201 de l’OIT).

En conclusion, considérant l’importance des changements concernant le travail domestique dans ce projet de loi no 60, le Conseil recommande également :

  1. Qu’une campagne de sensibilisation soit effectuée auprès des travailleuses et travailleurs domestiques, des employeurs ainsi que de l’ensemble de la population afin de les informer des changements aux droits et aux obligations apportés au régime de santé et de sécurité du travail.

Cette campagne pourrait s’inspirer de celle actuellement réalisée par la CSST concernant la prévention des lésions professionnelles afin de rejoindre, le plus possible, l’ensemble de la population québécoise par l’intermédiaire de plusieurs médias d’information. En effet, elle pourrait préciser quelles travailleuses domestiques sont désormais automatiquement couvertes par la Loi, tout en spécifiant celles qui sont exclues et qui doivent s’inscrire et payer afin d’être couvertes par le régime. Elle pourrait aussi informer les particuliers concernés de leurs nouvelles obligations à titre d’employeur.

Cette campagne de sensibilisation permettrait de mettre en valeur et de souligner l’importance du travail domestique au sein de notre société, en plus de déconstruire les préjugés et promouvoir l’égalité réelle entre les femmes et les hommes.

Conclusion

Le Conseil souhaite que le gouvernement procède aux modifications proposées dans ce mémoire, car elles s’inspirent des textes internationaux récemment adoptés sur le travail domestique. Bien que le projet de loi no 60 représente un progrès pour une catégorie de travailleuses par rapport au statu quo, à certains égards, le Conseil recommande le retrait des modifications prévues à la Loi sur la santé et la sécurité du travail, car elles représentent un recul pour les travailleuses et travailleurs domestiques.

Advenant l’adoption du projet de loi no 60 sans modification, le Conseil estime que le travail de consultation avec les organisations de travailleuses ainsi que les associations représentant les travailleuses domestiques doit se poursuivre, afin d’atteindre progressivement des conditions égalitaires pour ces dernières, comme mentionné dans la convention internationale concernant le travail décent pour les travailleuses et les travailleurs domestiques. En effet, cette convention internationale prévoit que les États peuvent appliquer progressivement les normes de santé et de sécurité au travail, en consultation avec les organisations d’employeurs et de travailleuses les plus représentatives.

En ce sens, le Conseil encourage donc le gouvernement du Québec, ainsi que toutes les personnes concernées dans notre société, à œuvrer sans relâche à l’amélioration des conditions de vie et de travail de ces travailleuses domestiques. Pour ce faire, le Conseil rappelle l’importance de l’évaluation rétroactive des impacts des dispositions du projet de loi no 60, de la correction de certaines mesures, le cas échéant, et de la mise en place progressive de toutes les mesures nécessaires pour assurer l’atteinte de l’égalité réelle pour ces travailleuses.

Bibliographie

  1. Par exemple, le Conseil a publié, en novembre 2002, un avis intitulé Mémoire sur le projet de loi no 143, Loi modifiant la Loi sur les normes du travail et d’autres dispositions législatives concernant, entre autres, l’abolition de conditions de travail moins avantageuses pour les travailleuses domestiques résidantes.
  2. Le projet de loi no 60 est disponible sur le site de l’Assemblée nationale du Québec : http://www.assnat.qc.ca/fr/travaux-parlementaires/projets-loi/projet-loi-60-39-2.html.
  3. Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, La discrimination systémique à l’égard des travailleurs migrants, la Commission, décembre 2011, p. 19 et 20. http://www.cdpdj.qc.ca/publications/Documents/Avis_travailleurs_immigrants.pdf.
  4. Conseil du statut de la femme, Mémoire sur le projet de loi no 110, Loi modifiant le régime de santé et de sécurité du travail pour accorder une plus grande protection à certains domestiques, le Conseil, 2010, p. 11. https://www.csf.gouv.qc.ca/modules/fichierspublications/fichier-29-1408.pdf.
  5. Ibid., p. 12.
  6. Ibid., p. 15-16.
  7. Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, La conformité de l’exclusion du domestique et du gardien de la protection automatique de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles à la Charte des droits et libertés de la personne, la Commission, 2008. http://collections.banq.qc.ca/ark:/52327/bs1904266.
  8. Les textes sont disponibles à cette adresse Internet : http://www.ilo.org/ilc/ILCSessions/100thSession/on-the-agenda/decent-work-for-domestic-workers/lang--fr/index.htm.
  9. L’Uruguay a été le premier pays à ratifier la convention, le 14 juin 2012, lors de la Conférence internationale du Travail qui s’est tenue à Genève. Un deuxième pays doit ratifier la convention pour qu’elle entre en vigueur. Site de l’OIT : http://www.ilo.org/dyn/normlex/fr/f?p=1000:11300:2992743435145749::NO::P11300_INSTRUMENT_ID:2551460.
  10. Conseil du statut de la femme, Mémoire sur le projet de loi no 110, Loi modifiant le régime de santé et de sécurité du travail pour accorder une plus grande protection à certains domestiques, op. cit. Voir la 5e recommandation, p. 23.
  11. Pour le travail domestique, le logement du particulier sera considéré comme un établissement. Voir article 2 du projet de loi no 60.
  12. Voir le projet de loi no 60 : article 1, 2e paragraphe.
  13. Conférence de presse de la ministre du Travail, mardi 3 avril 2012. Détails du projet de loi visant à moderniser le régime de santé et de sécurité du travail. http://www.assnat.qc.ca/fr/actualites-salle-presse/conferences-points-presse/ConferencePointPresse-8697.html.
  14. Voir la recommandation no 2 de ce mémoire concernant le changement de l’expression « domestique » pour celle de « travailleur domestique », conformément à la définition à l’article 1 b) de la convention internationale.
  15. Voir l’article 9, 1 c) de la LATMP.
  16. S’il répond aux critères de « travailleur autonome considéré travailleur » de l’article 9 de la LATMP.
  17. Conférence de presse de la ministre du Travail, op. cit.
  18. Cette analyse rétroactive devrait, notamment, évaluer l’impact sur les travailleuses domestiques de l’exclusion du travail de courte durée. Ce travail domestique est leur profession, conformément à la convention internationale, mais elles seront exclues de la protection automatique au Québec, car elles exécutent, par exemple, 6 heures en moyenne par semaine chez plusieurs employeurs.Idem
  19. Cette analyse rétroactive devrait, notamment, évaluer l’impact sur les travailleuses domestiques de l’exclusion du travail de courte durée. Ce travail domestique est leur profession, conformément à la convention internationale, mais elles seront exclues de la protection automatique au Québec, car elles exécutent, par exemple, 6 heures en moyenne par semaine chez plusieurs employeurs.
  20. Voir l’article 29 du projet de loi no 60 : modification de l’article 256 de la LATMP.
  21. Dans une telle situation, la travailleuse doit prouver qu’elle a travaillé la période requise pour présenter une demande de résidence permanente. Dans le cas d’une perte d’emploi avant la fin de cette période, elle doit « essayer de trouver un nouvel employeur le plus rapidement possible » et faire toutes les autres démarches administratives requise par le PAFR. Voir le site du gouvernement du Canada : http://www.cic.gc.ca/francais/travailler/aides/prolongement.asp#perdrez.
  22. Pour plus d’information, voir la page 22 du mémoire du Conseil du statut de la femme sur le projet de loi no 110.
  23. Comme démontré au chapitre 3.1 de ce mémoire.
  24. Conseil du statut de la femme, Mémoire sur le projet de loi no 110, Loi modifiant le régime de santé et de sécurité du travail pour accorder une plus grande protection à certains domestiques, op. cit., page 24.
  25. Exclusion prévue à l’article 32 du projet de loi no 60.